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Published on: Entretiens

Frédéric Capellier, Directeur Général, TKM International Consulting

Parole de dirigeant à l’international

Les clés d’une réussite business en Russie & CEI

Frédéric Capellier, Directeur Général, TKM International Consulting

© Photo : Mathieu Richard

« Sois prêt à monter dans ce train à grande vitesse »

Frédéric Capellier vit à Moscou depuis 12 ans. Avec des racines russes, il a commencé sa carrière comme policier en France, avant de venir en Russie comme officier de liaison puis d’ouvrir sa société de lutte contre la contrefaçon.

Quelques faits

1998 : Enquêteur DDSP – Ministère de l’Intérieur

1998 : Enquêteur DCPJ – Ministère de l’Intérieur

2008 : Officier de liaison — Ambassade de France en Russie

2014 : Directeur des opérations – Opim cis

2015 : Directeur Général — TKM International Consulting

2019 : 55 salariés

Mail : f.capellier@tkm-ic.com

Entretien mené par Antoine Leygonie-Fialko
Dialogue ouvert 
puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®

J’ai rencontré Frédéric il y a deux ans. Son énergie et sa détermination à développer son activité m’ont tout de suite marqué. Il nous donne ici les clés de sa croissance rapide

« Nous anticipons les défis induits par l’Union eurasiatique »

Frédéric comment avez-vous décidé de rester en Russie ?

Je suis arrivé en Russie il y a 12 ans pour occuper le poste d’officier de liaison Police à l’ambassade de France. À l’époque, j’avais une vision plus empirique, voire romantique, que pratique de ce pays. J’ai dû rapidement franchir le seuil entre l’attirance naturelle et l’efficacité professionnelle, notamment en matière linguistique. Au départ, j’étais chargé de faire le lien entre la police judiciaire française et les structures de forces russes. Ensuite j’ai traité tout ce qui relevait des questions d’immigration et de sécurité. Enfin, j’ai assisté mes collègues dans l’organisation des voyages officiels. Au bout de 6 ans, quand la question s’est posée de rester ou de repartir, j’ai réalisé que je n’avais encore rien construit. Je voulais me servir de cette expérience. Le destin a mis sur mon chemin une grande marque d’alcool française qui cherchait un prestataire en Russie pour lutter contre la contrefaçon. J’ai commencé par leur chercher un prestataire. Et c’est finalement moi qu’ils ont voulu. C’est ainsi que je me suis lancé.

Quel service proposez-vous ?

Notre développement s’est toujours réalisé en nous adaptant au marché et en anticipant les besoins de nos clients. Nous avons commencé comme spécialiste du brain protection offline avec beaucoup de terrain et de relations opérationnelles avec les forces de l’ordre locales. Aujourd’hui le service a beaucoup évolué. Nous travaillons sur la protection des marques online et nous offrons tout le support légal qui va derrière (actions en justice, recouvrements, suivi des jugements, suivi des destructions, etc.). En parallèle, nous effectuons l’enregistrement des marques au niveau des registres douaniers et nous assurons la formation des forces de l’ordre. Progressivement, l’actualité nous a conduit à proposer des services annexes comme la vérification légale des fournisseurs, clients et partenaires, imposée par la loi Sapin 2 à toute entreprise française basée à l’étranger. Aujourd’hui, pour répondre à la demande de nos clients, nous développons une expertise en due diligence et lutte contre la corruption.

« FAIRE FACE à la PANDÉMIE Covid-19 »

Additif du 18/04/2020 à l’entretien mené début mars 2020

Frédéric, comment avez-vous anticipé l’impact du Covid-19 sur votre activité ?

 

Nourri essentiellement de communication gouvernementale française avant mon retour en Russie, je n’ai pris conscience de la gravité de la crise sanitaire que tardivement (vers le 10 mars). J’ai demandé a mes managers de veiller strictement au respect des consignes imposées par la mairie de Moscou et le gouvernement (contrôle des températures pour l’ensemble du personnel, respect de la quarantaine pour les collaborateurs concernés, moi compris…). Nous avons également fait en sorte que nos équipes soient protégées sur le lieu de travail (mise a disposition de gel, masques et gants). Dès l’annonce de la première semaine de congés payés, nous avons senti un relâchement parmi certains collaborateurs. Pour l’exemple, je me suis séparé de l’un d’entre eux afin de « remotiver » les autres. L’idée était de faire comprendre à tous qu’il n’y avait pas de quoi se réjouir et qu’il fallait, au contraire, redoubler d’effort. Le résultat a été à la hauteur de ce que j’escomptais. Au niveau budgétaire j’ai revu certains de nos projets à la baisse, reporté certaines dépenses non essentielles et estimé notre trésorerie afin de pouvoir tenir le plus longtemps possible en mode dégradé. Ces mesures m’ont donné une vision précise de nos capacités à faire face.

Quelles sont les missions de vos équipes pendant le confinement ? 

D’un point de vue purement opérationnel, notre activité n’a pas diminué, au contraire. La hausse de la consommation d’alcool, notamment, s’accompagne d’une recrudescence de produits contrefaits. Nos équipes restent donc très mobilisées. Judiciairement l’activité continue et nous participons à de nombreux procès en mode délocalisé. Au niveau commercial, nous avons concrétisé plusieurs prospects. Ces nouveaux clients nous permettent de relativiser les effets négatifs de la crise économique qui s’annonce. Nous adoptons notre offre à la situation et surtout nous préparons ardemment la sortie de crise. Nous planchons également sur la forme de nos contrats afin d’intégrer concrètement le risque pandémique. De manière générale, les équipes profitent de ce ralentissement pour mettre à jour ce qui doit l’être. Les visios ont remplacé les réunions quotidiennes. Finalement le rythme de travail et de production n’a que très peu changé. Je pense même mettre en place des possibilités de télétravail pour certains collaborateurs dès la reprise de l’activité. Au niveau de la gestion financière, nous checkons au quotidien si les mesures étatiques nous concernent. Nous tentons de renégocier avec nos fournisseurs. Afin de mieux gérer au quotidien j’ai fait établir un budget de trésorerie qui me permet d’avoir un tableau de bord réaliste.

Dites-moi, Frédéric, quelles sont vos sujets d’inquiétude ?

Tout d’abord, je suis inquiet du taux de change qui est primordial pour la santé financière de mon entreprise. Puis mon angoisse principale concerne les délais d’encaissement des factures car il est primordial de faire rentrer du « cash » tout en préservant la relation client. De nature plutôt optimiste, j’espère que l’action des gouvernements et des banques centrales sera efficace et permettra d’éviter le pire.

Comment voyez-vous le monde après la pandémie ?

L’après-pandémie marquera la reprise d’une activité économique. On saura alors vers quelle type de crise on se dirige (longue, intense, modérée, contrôlable…). Il sera temps de changer la voilure pour profiter du moindre appel d’air.À titre personnel, je pense, d’ores et déjà, réduire mes déplacements professionnels à l’essentiel et peut-être vérifier les capacités sanitaires des lieux de villégiatures que je pourrais être amené à choisir.

Comment avez-vous constitué votre équipe ?

J’ai commencé seul, puis mon expérience en Russie m’a conduit à m’entourer avec soin. Le recrutement de personnels locaux, compétents et fiables a toujours été une priorité. J’ai donc identifié et engagé des professionnels confirmés : des opérationnels, puis des juristes, des formateurs et enfin des commerciaux et chargés de clientèle.

Et qui sont vos clients ?

Nos clients étaient initialement issus de l’univers du luxe (alcool, parfum, cosmétique, horlogerie, joaillerie, habillement). Puis nous nous sommes diversifiés, notamment dans l’industrie pharmaceutique. La contrefaçon dans tous ces domaines est un vrai problème.

Sur quels territoires intervenez-vous ?

Nous couvrons la Russie depuis Moscou et nous envisageons d’ouvrir cette année un bureau à Saint-Pétersbourg. Pour répondre efficacement aux attentes de nos clients, nous avons anticipé les défis induits par l’Union eurasiatique en ouvrant des représentations au Kazakhstan (Almaty), en Arménie (Erevan), au Kirghizistan (Bishckek) et en Biélorussie (prévu en 2020). Nous sommes également présents en Ukraine (Odessa et Kiev) et au Daghestan. Notre bureau de Makhatchkala a démontré que l’on pouvait obtenir des résultats dans une ville à la réputation sulfureuse. Enfin, à distance, nous couvrons l’Azerbaïdjan et l’Ouzbékistan.

Notre stratégie s’appuie sur notre expérience passée, les analyses de nos experts et les demandes exprimées par nos clients. Nous progressons avec humilité tout en conservant notre détermination.

Quelle belle évolution ! Quel est votre objectif à présent ?

Notre société grandit. Nous nous préparons à devenir plus corporate en uniformisant notre façon de travailler. Notre objectif à 5 ans est d’avoir au moins 100 employés répartis sur toute la zone. Nous regardons également du côté de nouveaux territoires comme les pays Baltes, la Moldavie et aussi la Chine, qui cherchent des solutions pérennes pour lutter contre la contrefaçon.

En ce moment nous sommes en train d’optimiser notre structure juridique en ouvrant des bureaux de représentation dans chaque pays. D’ici 2021, j’envisage d’ouvrir un bureau à Paris.

Pour atteindre votre objectif, quelles difficultés aurez-vous à affronter ?

Une société comme la nôtre est soumise à des aléas extérieurs. Les revirements politiques constituent un facteur à prendre en compte. En particulier les variations du cours du rouble ont un impact direct sur notre fonctionnement. Nos clients sont essentiellement en Europe et nous règlent en euros alors que nous payons nos charges en roubles. Dans mon activité, j’ai besoin d’une stabilité des taux de change.

La connaissance des cultures de chaque pays est le second obstacle. Aujourd’hui, après 12 ans en Russie, je suis russophone mais je ne prétends toujours pas connaître la mentalité russe. C’est ce qui fait le charme de ce pays et de cette culture. Quand je me rends au Kazakhstan ou au Kirghizstan, il y a encore beaucoup d’aspects mystérieux pour moi. Je m’appuie alors sur mes équipes locales en qui j’ai confiance, qui m’ouvrent les portes et me donnent les codes.

© Photo : Mathieu Richard

« Nous disons toujours la vérité au client »

Frédéric qu’avez-vous mis en place pour fédérer vos équipes multiculturelles et pour les motiver ?

Pour aider nos équipes aux mentalités différentes à travailler ensemble, nous avons mis en place des outils communs bilingues online. Nous tentons de créer un véritable esprit d’entreprise en recevant à Moscou les personnes en formation pendant 3 à 6 mois, selon le niveau de complexité du pays dans lequel ils vont travailler. Cela leur permet de s’imprégner, de créer du lien et de comprendre comment nous travaillons. Ils repartent “chez eux” très motivés.

Comment faites-vous face à la concurrence sur ce marché ?

Le marché est concurrentiel et en pleine évolution : les offres qui ne répondent pas rapidement à ces critères sont rapidement en difficulté. Nous avons obtenu des résultats en misant sur l’anticipation et l’efficacité. Nous créons en permanence de nouveaux outils, nous proposons des programmes développés sur mesure pour un besoin spécifique du client, nous offrons des équipes dédiées. Au final, nous ne sommes pas les moins chers, mais nous sommes parmi les plus performants. Et surtout, nous sommes fiables et transparents. Là où d’autres se reposent sur leur passé et leurs certitudes, nous innovons. Quand une situation semble inextricable, nous essayons de trouver des solutions. Enfin, quelle que soit la situation, nous disons toujours la vérité au client.

© Photo : Mathieu Richard

« Dans le monastère d‘autrui n’apporte pas tes propres règles »

(NdR : proverbe russe dont le sens est proche de notre proverbe français “À Rome, fais comme les Romains”)

Frédéric que diriez-vous à un français qui viendrait faire un business en Russie ?

L’histoire de la Russie et de la France me fait penser à celle d’un vieux couple qui se sépare et se réconcilie à chaque fois. Aujourd’hui les deux pays vivent une nouvelle lune de miel.

Aux Français qui arrivent à Moscou, je leur conseillerais de profiter de ce climat bénéfique aux affaires en étant attentif à ne jamais se sentir supérieur aux Russes. Ici, comme ailleurs, il ne faut pas essayer d’imposer nos idées. Je leur conseillerais de s’adapter à la culture, de parler la langue et de venir sans a priori. Comme le dit le dicton russe : « dans le monastère d’autrui n’apporte pas tes propres règles ».

Quelles qualités sont nécessaires pour développer un business ici ?

Les qualités primordiales, selon moi, sont la CAPACITÉ D’ADAPTATION et l’aptitude à NE PAS JUGER, ni la mentalité, ni les gens, ni les choses. Quand je suis arrivé en Russie, qu’on ne me tienne pas la porte ou qu’on retire rapidement l’assiette au restaurant m’insupportait. Aujourd’hui je me suis si bien adapté que j’oublie souvent de tenir la porte et, au restaurant en France, je ne supporte plus qu’on laisse l’assiette vide devant moi.

Ensuite, comme Moscou est une ville très rapide, après une journée intense à gérer les imprévus, il faut SAVOIR DÉCOMPRESSER pour pouvoir repartir de plus belle le lendemain. Là encore je me suis adapté, je vais à la datcha tous les week-ends, et je fais des banyas entre amis dès que possible.

Enfin, il faut essayer de DÉCOUVRIR LA CULTURE et L’HUMOUR russes. La première fois que j’ai compris un sketch en russe, j’ai senti que j’avais passé un cap.

L’humour russe, c’est comment ?

L’humour russe est politiquement incorrect. On peut connaître la culture, boire russe, manger russe, aller au banya mais tout cela reste une façade. Quand on rentre dans l’humour, quand on comprend ce que les Russes veulent dire derrière la façade, et surtout quand cela nous fait rire, on passe un cap et on s’approprie réellement une partie de la culture russe.

Frédéric, un dernier conseil pour un nouvel arrivant ?

“Mets-toi au travail ! La Russie est le pays qui bouge très vite. Sois prêt à monter dans ce train à grande vitesse ! Nous ne savons pas où nous allons mais nous y allons !”

© Photo : Mathieu Richard

Regard sur une séance d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®

Frédéric, un mot sur nos séances d‘Executive Coaching ?

Ce coaching a été la révélation que les solutions sont toujours en moi. J’ai juste besoin de les extérioriser. Avec votre vision globale, vous m’avez permis de régler des situations qui me paraissaient insurmontables… Un grand merci, Antoine !

Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko.

ANTOINE LEYGONIE-FIALKO

International Executive Coach & Adviser

« Become an inspiring leader »

Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ».

Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…).

Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, il intervient auprès de tout dirigeant à l'international qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.

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