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Gabriel Marton, Senior Business Leader Sales & Marketing, Michelin

Voici un essai de Extra Text

Paroles de dirigeant à l’international

Les clés d’une réussite business à l’international

Gabriel Marton, Senior Business Leader Sales & Marketing, Michelin

« L’expatriation : se défaire de ses certitudes »

Gabriel Marton a une longue carrière chez Michelin de dirigeant en expatriation qui l’a mené en Hongrie, en Roumanie, et en Pologne. Il nous révèle ce que chacun de ces pays lui a appris…

Quelques faits

2007 : Michelin — Responsable marketing opérationnel Hongrie et Slovénie
2008 : Michelin — Key Account Manager Hongrie, Slovénie, Tchéquie et Slovaquie
2011 : Michelin — Chef des ventes Hongrie
2013 : Michelin — Directeur des ventes Hongrie & Roumanie
2016 : Michelin — Head of Kleber & T3 brands Europe, Moyen Orient, Afrique
2021 : Michelin — Directeur marketing Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Pays Baltes, Ukraine

 

LI : linkedin.com/in/gabriel-marton

Entretien mené par Antoine Leygonie-Fialko
Dialogue ouvert 
puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®

Le parcours de Gabriel m’a séduit. Je suis admiratif de la façon dont il parle de tous ces pays avec passion et respect…

« En Hongrie, je comprends l’importance du relationnel »

Gabriel, que vous apprend votre première expérience en Hongrie ?

En arrivant en Hongrie, je vis une accélération de mes connaissances. Je remets très vite en cause nombre d’habitudes. J’apprends rapidement à m’adapter car je reçois en pleine face une nouvelle culture. Je dois me débarrasser de mes codes qui sont très français, parisiens même. Je change dans la façon de communiquer avec les collaborateurs hongrois. Je me trouve devant des aspects à la fois très différents et très proches. Je dois laisser mes certitudes à la maison et faire preuve de beaucoup d’écoute, d’intérêt et d’ouverture envers les personnes que je rencontre. La Hongrie est un pays très attaché à sa culture et à son identité. Ce pays a une langue extrêmement particulière, parlée par peu de personnes. La langue n’est ni slave, ni latine, ni germanique. Elle est l’une des plus compliquées à parler dans le monde. Personne ne sera bilingue en six mois, cela prend des années. Par contre, dès qu’on commence à parler quatre mots, les Hongrois sont ravis. Ils savent que leur langue est très compliquée, que la culture est très particulière. Ils sont extrêmement touchés et sensibles aux personnes qui font l’effort d’essayer de les comprendre. En Hongrie, une fois que les gens vous aiment bien, ils vous aiment pour longtemps. J’ai donc compris l’importance de construire mon relationnel.

Le pays a ce côté îlot perdu avec une histoire du XXe siècle très compliquée. Le relationnel et la confiance y sont très importants. Comme la Hongrie est un pays de petite taille, la communauté business se connaît bien. Le networking est fondamental et la réputation inestimable. Une erreur va vite circuler. À l’inverse, quand vous êtes est bon, cela va vite se savoir.

Souvent en France, il arrive que l’on soit très conceptuel et stratégique. Les Français apprécient les exercices intellectuels. Or en Hongrie, je me retrouve avec des personnes pragmatiques, opérationnelles et créatives. La stratégie et le concept sont bienvenus, mais il faut rapidement les rendre le plus tangible possible pour que les personnes les comprennent.

Par ailleurs, souvent dans des réunions d’équipe, les personnes ne posent pas de questions. Cela ne veut pas dire qu’en entretien individuel les personnes ne le feront pas, mais en groupe, l’habitude est de rester silencieux. Le speak up n’est pas naturel. Quand on est manager en Hongrie, il ne faut donc ni s’étonner de la situation, ni brusquer les collaborateurs sur ce point. Cette attitude ne veut pas dire que les Hongrois ne sont pas intéressés. Ces derniers se taisent uniquement par acquis culturel.

En réalité, les Hongrois sont très accueillants et ouverts sur l’extérieur. Même si la relation business est très formelle et accorde une grande importante à l’écrit, les relations humaines sont assez directes et tournent vite à l’informel. Par exemple, même si le vouvoiement existe en Hongrie, il ne s’utilise pratiquement pas. Dans une relation business, au bout de dix minutes les personnes se tutoient.

« En Roumanie, le ton peut monter très rapidement »

Vous partez trois ans à Bucarest, que découvrez-vous ?

À Bucarest, je manage des équipes hongroises et des équipes roumaines. Je découvre que la Roumanie a une culture et une langue très latines. Un Français ne se sent pas dépaysé. Pourtant, j’ai été plusieurs fois surpris, pendant mes visites client, de voir que le ton monte très vite, avec presque l’impression d’une querelle avec les clients. Ce côté très latin ne fonctionnerait pas en Hongrie, où si l’on utilise ce ton de voix, ce serait un drame. Ainsi, je découvre que j’ai beau être dans la même région d’Europe centrale, les cultures sont très différentes et je ne peux pas manager les équipes de la même façon.

En Roumanie, le style de management attendu des équipes a un côté très hiérarchique. La culture des équipes n’est pas encore prête à entrer dans des nouvelles façons de manager, sur le mode coaching, serving leader ou autre. En particulier, je suis confronté à la difficulté de développer la culture du speak up.

Dans les équipes roumaines, je constate un très fort respect du chef qui conduit parfois à ne pas dire les choses, en réunion, en croyant que le problème va disparaître de lui-même. Malheureusement, c’est le contraire qui se produit. Comme le problème n’est pas exprimé, il grossit et il explose. Comme les Roumains sont souvent beaucoup plus positifs que les Hongrois dans leur façon de s’exprimer, cette positivité va accentuer le risque que le manager passe à côté d’informations essentielles. Plusieurs fois, je suis allé avec mes forces de vente roumaines chez de gros clients. J’arrivais assez détendu car mes équipes m’avaient assuré, en réunion préparatoire, que tout allait bien. Mais sur place, je découvrais un client furieux qui nous tendait une longue liste de dysfonctionnements. Certes, les problèmes étaient réglés sur place et nous nous quittions en bons termes, mais cette situation me faisait comprendre que je n’avais pas encore réussi à établir une communication suffisamment fluide avec mes équipes. La positivité des Roumains et leur tendance à ne pas parler des problèmes avaient totalement faussé ma perception de la situation.

J’ai fini par comprendre que, pour un Roumain, exprimer un problème devant les autres apparaît comme un aveu de faiblesse. Afin de prendre connaissance des problèmes, j’ai donc dû construire, pas à pas, une relation de confiance avec mes collaborateurs, en prenant chacun en tête à tête, en créant un safe space, un havre de paix, pour qu’enfin, au bout de plusieurs semaines, ils se sentent suffisamment en sécurité pour s’exprimer.

Au final, mon séjour en Roumanie et le fait d’avoir à gérer deux types d’équipe m’a forcé à comprendre que le style de management n’est pas un comportement figé. Il doit s’adapter très rapidement à chaque sous-culture.

« La recette des équipes multiculturelles : une forte culture d’entreprise et l’empathie du manager »

Puis vous prenez la responsabilité fonctionnelle d’équipes sur un périmètre Europe, Moyen Orient et Afrique. Qu’est-ce que cela change pour vous ?

En revenant à Budapest, je prends un poste à périmètre large de cinquante pays. Pour moi, cette extension géographique de responsabilité se traduit par le passage aux équipes multiculturelles. Ma chance est d’avoir, chez Michelin, une culture d’entreprise très forte qui constitue des codes communs et un ciment puissant entre les membres des équipes. Paradoxalement, j’ai découvert qu’une forte culture d’entreprise m’a permis de sortir plus facilement des stéréotypes ethnocentriques. À mon sens, la force d’une culture d’entreprise favorise une attention à la personne elle-même, au-delà de son origine culturelle.

À ce niveau de responsabilité et face à un tel multiculturalisme, je comprends que ma ressource principale sera l’empathie. Dans le business, l’empathie et la curiosité permettent de régler beaucoup de choses. La capacité à réfléchir ou à ressentir les émotions de la personne avec laquelle je discute permet de me questionner dans les deux sens, d’une part sur mes certitudes, d’autre part sur ma compréhension de ce que l’autre veut exprimer. Ce questionnement incessant est ce qui m’a permis de comprendre la subtilité des 50 marchés sur lesquels j’opérais.

Par exemple, en travaillant avec la Pologne, je découvre ce qu’est un pays avec un gros marché. Dans les petits pays d’Europe centrale, j’avais pris l’habitude de marchés plus petits, où les sociétés sont, soit très locales, soit, très rapidement internationales pour assurer leur survie. En Pologne, je fais face à une situation plus proche de certains pays de l’Europe de l’Ouest par la taille des marchés domestiques, la maturité de business et celle des entreprises. Ici, je rencontre des entreprises qui ont su, d’abord, bien se développer sur leur marché domestique et seulement ensuite s’étendre à l’étranger.

« En Pologne, je construis un ciment pour les équipes multiculturelles »

Que retenez-vous de votre séjour suivant en Pologne ?

À Varsovie, mon périmètre est la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, les pays Baltes et l’Ukraine. Les gros business sont en Pologne et en Tchéquie. J’ai une équipe d’une dizaine de personnes avec six nationalités dont une majorité de Polonais. Dans l’équipe, je parle en français avec certains et en anglais avec d’autres. J’ai aussi une collègue qui parle hongrois avec moi. Au final, mon équipe est d’une grande diversité : des femmes, des hommes, des nationalités et des parcours très différents. Je suis complètement dans le multiculturel et le multilingue.

Comme je travaille à l’étranger depuis vingt ans, je constate avec plaisir que j’ai acquis des automatismes. Je ne ressens pas de choc culturel malgré les différences, et je me concentre seulement sur les personnes, au-delà de leur origine culturelle. Surtout, à tout moment (communs ou individuels, formels ou informels), je suis très attentif à créer un ciment entre les collaborateurs.

Par exemple, nous avons fait récemment un team building hors les murs, de plusieurs jours avec une partie workshop où nous travaillions sur un « go to market » pour l’année prochaine. Puis, nous sommes allés voir un match de foot tous ensemble et nous avons fait un atelier de photographie au sein de la ville. Dans mon équipe, j’ai des personnes avec des profils plus rationnels, mathématiques, et d’autres avec des profils un peu plus artistiques. Je sens que les équipes ont besoin de se découvrir, de créer des références communes, d’écrire une histoire ensemble. C’est pourquoi ces moments communs sont cruciaux pour créer du lien.

Regard sur une expérience d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®

Un mot sur votre expérience d’Executive Coaching avec moi ?

Ce coaching, a été pour moi un exercice très intéressant parce que vous m’avez aidé à prendre du recul sur mon activité, et aussi vous m’avez apporté de la sérénité. Ça a été une bulle d’oxygène !

Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko.

ANTOINE LEYGONIE-FIALKO

International Executive Coach & Adviser

« Become an inspiring leader »

Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ».

Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…).

Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, il intervient auprès de tout dirigeant à l'international qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.

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