Skip links
Published on: Entretien

Sébastien Pillot Directeur Général Faiveley Transport Russie – Wabtec corporation

Parole de dirigeant à l’international

Les clés d’une réussite business en Russie

Sébastien Pillot, Directeur Général Faiveley Transport Russie – Wabtec corporation

« La Russie est un pays oriental »

Ingénieur chimiste de l’École Centrale de Marseille, Sébastien Pillot vient une première fois en Russie en 1992 pour un stage dont le thème d’étude porte sur les perspectives des projets industriels en ex-URSS. En 2008, il retourne à Moscou. En 2014, il devient Directeur Général chez Faiveley Transport.

Quelques faits

2003 : Soframap Azerbaijan – Directeur Général

2006 : Hallite Seals International and CDI Energy – Paris – Directeur Export

2008 : Mersen Moscou – Directeur Général

2014 : Faiveley Transport Russie (Wabtec Corporation) – Directeur Général

Mail : sebastien.pillot@wabtec.com

www.wabtec.com

Entretien mené par Antoine Leygonie-Fialko
Dialogue ouvert 
puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®

J’ai rencontré Sébastien, il y a 3 ans. J’ai été fasciné par la puissance de son intuition et de sa clairvoyance. Depuis, nous nous parlons régulièrement…

« Tout se joue dans la confiance »

Quel est le positionnement de Faiveley Transport ?

Nous sommes leader mondial dans le matériel ferroviaire : freins, systèmes d’air conditionné, portes et pantographes, une invention de Monsieur Louis Faiveley, un système mécanique qui prend le courant sur le caténaire. Nous commercialisons également des systèmes d’information passager, des systèmes de sécurité et la boîte noire du train. Nous avons trois types d’activités : les locomotives, les équipements pour wagons de fret et ceux pour les trains de passagers. Je suis en charge du développement de la partie passager, aussi bien support à la vente en Russie et CEI que le service après-vente. Nous avons notamment équipé 750 wagons du métro de Moscou avec un système d’air conditionné Faiveley Transport. Nous avons des entités dans le monde entier avec des équipes aux États-Unis, en Europe et en Chine qui assurent la fabrication. Dans mes fonctions, je suis en relation aussi bien avec les équipes de développement du client qu’avec son management. Une fois la vente réalisée, nous sommes en charge de toute la chaîne logistique jusqu’à la livraison chez le client ainsi que le support de garantie et d’après-vente.

Qui sont vos concurrents aujourd’hui ?

Pour mémoire, Faiveley Transport est une société française, détenue par la famille Faiveley, qui a été rachetée par Wabtec, un Américain créé par Westinghouse et ancien concurrent. Ce même Wabtec a récemment fusionné ses activités avec General Electric Transportation, division issue de l’héritage de Thomas Edison.

Localement, nous avons pour concurrent une jeune société, KSK, faisant partie de la nébuleuse Transmashholding (l’un de nos clients principaux) qui fabrique notamment des portes et de l’air conditionné. C’est une sorte d’intégration verticale : exportant difficilement ses produits, notre client-partenaire-concurrent agrandit la chaîne de production et produit des équipements équivalents aux nôtres, pour ses propres trains. Nous avons également un concurrent allemand Knorr-Bremse qui est presque un miroir de notre société : il fabrique des portes, des freins, de l’air conditionné. Aujourd’hui nous sommes avec Knorr-Bremse les deux leaders mondiaux sur le marché.

Sébastien, dans ce contexte, comment faites-vous pour vous distinguer de la concurrence ?

Nous attaquons à tous les niveaux, à commencer par les bureaux d’études. Nous définissons un projet, nous le faisons monter jusqu’au top management et nous faisons en sorte que nos thématiques viennent sur la table.

Tout se joue dans la confiance et la relation client. La technicité est aussi un paramètre important, tout comme l’intervalle de maintenance et le coût de cycle de vie — un système de freinage vit 30 ou 40 ans en Europe. Nous travaillons sur des projets long terme : entre le projet, la certification et la livraison de série, il faut compter entre deux à cinq ans.

Qui sont vos clients ?

Notre premier client est Transmashholding, une société créée avec Alstom, actionnaire à 33 %, qui représente environ 85 % de notre potentiel marché fournisseur. Ensuite nous avons Uralskii Locomotives, une joint-venture entre Sinara, un actionnaire russe, et Siemens, qui correspond à 10 % du marché, puis Stadler, un nouvel acteur suisse basé à Minsk et enfin Alstom au Kazakhstan.

Transmashholding est un client singulier : nous lui fournissons des équipements pour ses locomotives, et en même temps, c’est un partenaire avec lequel nous fabriquons des locomotives au Kazakhstan dans une société mixte WabtecTransmashholding.

© Photos : Isabelle Touyarou

« Fidéliser une équipe en instaurant un esprit collectif »

Comment faites-vous pour fidéliser et motiver votre équipe ?

J’ai une équipe d’une quinzaine de personnes comprenant des sales, une équipe de service, un département pour la certification et des comptables. J’ai instauré un esprit collectif : je leur fais confiance, je les écoute et j’essaie de donner de l’importance à chacun. Et pour cela je veux du résultat. En cette période Covid, comme j’ai des sites à Khimki, à Moscou et à Saint-Pétersbourg, j’organise un call tous les matins à 9 heures. Pour garder cet esprit d’équipe nous organisons des formations, des séminaires et des réunions régulières. Même si nous sommes passés par des crises et des réorganisations, nous étudions chaque problème en gardant l’idée de perspective. Chacun connait sa mission et sa ligne de conduite, même si notre environnement est parfois un peu flou.

« En Russie il faut être très rapide »

Face à tout cela, quels sont vos challenges pour les années à venir ?

Notre objectif est d’être les leaders et de voir un jour nos portes palières dans le métro de Moscou. Aujourd’hui, puisque nous sommes une société américaine, je suis beaucoup plus challengé qu’auparavant par ma direction. L’accent est mis surtout sur le cash et cela nous donne une force.

Mon principal défi c’est de déterminer là où je ne vais pas, pour ne pas perdre mes forces là où cela n’a pas de sens. Dans le projet du MCD à Moscou – un peu l’équivalent du RER parisien – les trains électriques vont passer en double étage. Deux projets sont développés, l’un par Transmashholding (TMH) et l’autre par Uralskii Locomotives (UL). Nous sommes invités à participer aux deux. Avec TMH, aujourd’hui, je me pose la question puisqu’en face j’ai mon concurrent KSK et que je sais qu’à partir du moment où je donne la moindre information technique elle passe tout de suite chez le concurrent qui va l’utiliser pour établir son cahier des charges. Nous venons ainsi de décider de communiquer nos informations le plus tard possible et d’annoncer que notre participation sera soumise à condition d’une prise de 50 % du marché minimum.

En Russie il faut s’adapter à chaque fois et être très rapide, tout en ayant une certaine analyse. J’ai eu une mauvaise expérience avec le nouveau métro de Moscou. On nous a demandé de travailler sur des portes un peu spéciales avec KSK qui ne se posait pas alors en concurrent direct, puis au moment de l’appel d’offres il ne s’est rien passé. Notre client, Metrowagonmash filiale de Transmasholding nous a annoncé par la suite n’avoir jamais eu notre offre. J’ai compris à ce moment-là que la Direction de KSK avait fait appel à deux autres concurrents européens, les avait sélectionnés puis nous avait bloqué sur le marché. Pourtant, nous avions la meilleure offre technique et commerciale du marché.

© Photos : Isabelle Touyarou

« La confiance se fait non pas envers une société mais envers un homme »

Sébastien, quels conseils donneriez-vous à des Européens qui voudraient venir sur le marché russe ?

Dans l’univers industriel, ce qui marche bien c’est l’unicité du produit. Lorsque je travaillais chez Mersen nous vendions des gros fusibles pour des usines de fabrication de nickel et d’aluminium et nous étions pratiquement le seul fabricant à les commercialiser. Cela facilitait les choses. Si on n’a pas le produit unique, on a forcément un avantage technique qu’il faut savoir mettre en avant. Il faut se souvenir que même si nous avons la meilleure offre technique ou commerciale, nous ne gagnons pas forcément le marché.

Parfois aussi les relations peuvent paraître très hiérarchiques. Mais si vous entretenez des relations top-to-top alors vous parviendrez à avancer très vite.

© Photos : Isabelle Touyarou

« Une promesse est un devoir alors qu’un contrat est parfois seulement une promesse »

Que faut-il faire pour gagner le marché ?

Pour faire du business en Russie, il faut danser ensemble, dans le sens où, dans mes échanges, je dois faire comprendre à mon interlocuteur russe que, non seulement je veux me développer en Russie mais aussi que je veux lui donner la possibilité de se développer en s’appuyant sur mon développement.

Il y a un dicton russe qui dit Восток, дело тонкое, (L’Orient est une question délicate, titre d’un film russe, NDLR), moi je vais plutôt dire Россия, дело тонкое, la Russie est une question délicate. Au risque de choquer les Européens, je dis que la Russie est un pays oriental. La confiance se fait non pas envers une société mais envers un homme. Une promesse est un devoir alors qu’un contrat est parfois seulement une promesse.

En conséquence, pour approcher le marché il va falloir PASSER DU TEMPS, RECHERCHER LES BONNES PERSONNES, ANALYSER LE MARCHÉ et COMPRENDRE QUI EST DÉCISIONNAIRE, qui souvent n’est pas le CEO. Et une fois que l’on a analysé le mécanisme de décision et mis en place cette relation, organiser pour lui des visites d’usines en France, PASSER DU TEMPS À SE CONNAÎTRE, lui faire des PETITS CADEAUX. Quand un client m’appelle, il m’appelle moi parce qu’il sait que je vais prendre la décision et faire la réalisation. Il va me demander de faire une promesse et je vais devoir remplir ma promesse.

Quels conseils donneriez-vous à un nouvel arrivant pour rechercher des informations ?

Avant d’arriver en Russie je n’avais rien lu sur le sujet car je voulais avoir un œil neuf. J’ai eu l’avantage d’être étudiant, d’aller dans les cités universitaires dans les années 90, de vivre ce que vivait le commun des Russes, avec les changements permanents, la dévaluation du rouble, etc. C’était assez terrible. Une fois que j’ai été bien imprégné et quelque part bien russifié, je suis allé voir mes compatriotes pour partager cette passion de la Russie. Je pense qu’on a tous besoin de se retrouver un petit peu entre nous pour trouver notre équilibre.

Comment rencontrer des Français quand on arrive ?

En premier je conseille d’aller voir l’ambassade, puis le service économique, dont on va recevoir beaucoup d’informations – et il ne faudra pas oublier d’en donner en retour ensuite. Je conseille aussi de fréquenter la Chambre de Commerce franco-russe, et assister aux repas des directeurs généraux, de s’inscrire à l’APM, l’AEB, et aussi l’AmCham. Participer à certaines soirées permet d’échanger des cartes de visite. Je pense qu’à un moment on finit forcément par se trouver quelques affinités avec certaines personnes pour aller ensemble à la découverte de la Russie.

En un mot, le business en Russie ?

Le business en Russie n’est pas simple. Dans mon secteur, il y a beaucoup de projets qui n’aboutissent pas, il faut se préparer à passer beaucoup de temps en discussion et cela peut paraître long mais ici on ne s’ennuie pas. J’aime faire le parallèle avec le film Bienvenue chez les Ch’tis : en Russie c’est la même chose, on pleure deux fois. Si je pars un jour, je vais être très triste parce que j’ai beaucoup d’attaches ici.

© Photos : Isabelle Touyarou

Regard sur une séance d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®

Sébastien, un mot sur notre séance d’Executive Coaching ?

Pour moi, le coaching est un accompagnement qui permet de retrouver en soi des capacités perdues, d’en trouver de nouvelles et d’accéder vraiment à ce qui nous tient à cœur. Avec vous, Antoine, je me suis senti immédiatement à l’aise. Vous avez une grande qualité d’ouverture, ce qui m’a donné la possibilité d’évoluer par moi-même. Et, par vos feedbacks vous avez su me faire voir la direction du prochain pas. Ce coaching a été très efficace. Un grand merci, Antoine.

Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko, transcrits et co-rédigés par Valérie Chèze — Le temps d’écrire —, illustré par Isabelle Touyarou.

Antoine Leygonie-Fialko

ANTOINE LEYGONIE-FIALKO

International Executive Coach & Adviser

« Become an inspiring leader »

Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ».

Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, puis diplômé INSEAD, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…).

Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, détenteur du plus haut niveau de certification (ICF MCC « Master Certified Coach ») et plusieurs fois nominé « Top 5 International Executive Coach », il intervient auprès de tout dirigeant qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.

Mes derniers articles Me Connaître