Parole de dirigeant à l’international
Les clés d’une réussite business en Russie & Ukraine
Thierry Cellerin, fondateur et CEO de Buzzfactory
« À produit égal et à prix plus ou moins égal, c’est la relation qui va permettre de gagner »
Arrivé à Moscou en 2002, Thierry Cellerin travaille dans plusieurs secteurs avant de revenir à ses premières amours : la publicité. Après 3 années passées dans une agence de publicité traditionnelle, il se lance seul dans le marketing digital et crée Buzzfactory en 2010. Entre 2010 et 2019, l’entreprise se développe et son chiffre d’affaires augmente de 30 à 35 % par an (et de 47 % sur la seule année 2019). Elle compte de grandes marques internationales parmi ses clients.
Quelques faits
2004 : OST Group – Manager marketing
2005 : Planet Optica – Directeur marketing
2006 : MADE Advertising – Directeur du développement
2010 : The Buzzfactory – Fondateur et CEO
Mail : tcellerin@buzzfactory.ru
Site : https://buzzfactory.ru
Instagram : @buzzfactory_ru
Facebook : facebook.com/buzzfactoryRussia
Entretien mené par Antoine Leygonie-Fialko
Dialogue ouvert puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®
J’ai rencontré Thierry il y a 3 ans, lorsqu’il était résident à la MEF (Maison des Entrepreneurs Français à Moscou). J’ai immédiatement été impressionné par l’importance qu’il accordait à investir dans lui-même en se finançant chaque année des formations ou coachings. Le chemin qu’il a parcouru depuis notre rencontre est à l’image de sa soif de développement personnel…
« Je prends mon temps pour développer des filiales dans les autres pays, sans griller les étapes »
Thierry, qu’est-ce que Buzzfactory ?
Buzzfactory est une agence de marketing digital. Nous travaillons avec de grandes marques internationales pour les aider à gérer leur visibilité et leur réputation en ligne en collaborant avec des blogueurs et des influenceurs russes de premier plan. Concrètement, il s’agit de on-line reputation management : nous suivons l’image de la marque sur internet en surveillant les discussions et les commentaires sur les forums et les réseaux sociaux. Cela permet à l’entreprise d’ajuster sa communication en conséquence. Dans un monde où les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la qualité d’un produit, n’hésitant pas, avant de confirmer leur achat, à consulter en ligne les avis des acheteurs précédents, ce service est très utile aux grandes marques.
Pour enrichir l’offre historique de Buzzfactory, nous avons développé Buzzanalytics qui propose un tableau de bord pour suivre l’impact d’une campagne marketing sur les ratings des produits et leurs ventes.
Pour les petits budgets, nous avons aussi développé Storify, un outil qui permet de gérer de manière autonome la relation d’une marque avec ses influenceurs : les trouver, échanger avec eux, les rémunérer et suivre leurs résultats.
À présent, nous développons We&Love (prononcer « With Love »), une activité basée sur le concept du « live stream shopping » qui marche très fort en Chine : c’est le télé-achat version 2.0 avec des blogueurs en ligne à qui le consommateur peut poser des questions avant de confirmer son achat. Cette activité est un genre de « social commerce ». À mon sens, c’est le futur de l’e-commerce !
Qui sont vos clients ?
Nos clients sont de grandes marques internationales telles que L’Oréal, Mars, Unilever, Kimberly Clark… Nous travaillons avec tous types de marques.
Sur quels territoires travaillez-vous ?
Initialement centré sur le marché russe, nous avons ouvert une filiale de Buzzfactory en Ukraine en 2019 et nous avons déjà signé avec 2–3 gros clients locaux. Nous avions prévu d’ouvrir un bureau au Kazakhstan en 2020 mais ce projet est pour l’instant mis en attente au vu de la situation internationale actuelle. Je prends mon temps pour développer Buzzfactory dans les autres pays russophones, sans griller les étapes et en ajoutant petit à petit nos briques We&Love et Storify. Notre atout : une fois que les procédures de travail sont mises en place, le concept est exportable partout.
©photo : Tom Grimbert
« Je mise beaucoup sur la flexibilité et sur la cooptation »
Vous vous êtes entouré de collaborateurs pour développer votre activité. Qu’est-ce qui les fait adhérer à votre projet et à votre entreprise ?
Aujourd’hui, nous sommes une trentaine de collaborateurs environ, dont une dizaine free-lance, majoritairement basés à Moscou. Pour fidéliser et motiver, je mise beaucoup sur la flexibilité dans le travail. Les salariés prennent alors la liberté qui leur est donnée et la convertissent en efficacité. Cela leur permet de se responsabiliser, de grandir, et donc d’évoluer au sein de l’entreprise.
Pour assurer la qualité de l’intégration, je recrute principalement sur cooptation. Quatre-vingt-dix pour cent de mon équipe est composé de personnes qui se connaissent bien, qui ont l’habitude de travailler ensemble. J’ai donné la priorité à cette bonne relation entre mes collaborateurs (au détriment parfois des compétences), ce qui au final se ressent au niveau de l’équipe : ils sont beaucoup plus motivés et se démènent pour aller de l’avant
Pour développer cette activité, vous êtes-vous appuyé sur des partenariats ?
Buzzfactory, Buzzanalytics, Storify et We&Love sont 4 entités juridiques distinctes. Sur Buzzfactory, j’ai deux partenaires financiers qui n’ont aucun rôle exécutif. Avec Buzzanalytics, nous avons un partenaire russe, YouScan[SM1] , numéro 1 en outil de monitoring ; c’est un partenariat stratégique de longue date qui compte pour nous.
Sur Storify, je suis entouré de six investisseurs stratégiques qui ont l’expérience nécessaire pour nous aider à monter ce projet. Et enfin sur We&Love, nous sommes trois, dont un partenaire français qui a l’expérience de ce type de plateforme, et une partenaire russe qui a travaillé pendant cinq ans aux États-Unis sur ce type de projet.
©photo : Tom Grimbert
« Nous devons toujours avoir une longueur d’avance sur nos concurrents »
Thierry, quels sont vos challenges de demain ?
Tout d’abord, je m’assure régulièrement de la bonne santé de Buzzfactory car je dois pouvoir m’appuyer sur cette activité pour développer Storify, We&Love et BuzzAnalytics qui sont encore aujourd’hui en phase de lancement. Ensuite, une fois les procédures installées sur chacune des nouvelles activités, je souhaite que chacune d’entre elles soit gérée par un General Manager différent, de façon à ce que je puisse me dégager de l’exécutif. Cela me permettrait de me concentrer sur le pilotage du groupe.
Enfin, dans un contexte de concurrence naissante, nous devons acquérir très vite le plus d’expérience possible. Pour cela, nous devons constamment prendre des risques et nous adapter pour être sûrs de prendre la bonne direction. Car au final, notre succès, nous le devons au fait d’avoir toujours eu une longueur d’avance sur nos concurrents.
Quels pourraient être les obstacles à ce développement ?
La nature même de notre activité est l’obstacle principal à notre développement.
Tout d’abord, il y a le fait que notre domaine d’activité commence à être de plus en plus à la mode auprès des clients. De ce fait, notre chiffre d’affaires augmente mais aussi la concurrence. Dès lors nos marges se réduisent d’année en année.
Ensuite, notre business model est basé sur du service. Il est très dépendant des équipes et ne peut donc pas se décliner à l’infini.
Enfin, sur We&Love, il est très aisé de nous copier.
©photo : Tom Grimbert
« Aimer la Russie, comprendre les Russes et ne pas craindre le risque : trois conditions pour réussir dans ce pays »
À un Français ou un étranger occidental qui souhaiterait entreprendre en Russie, quels conseils donneriez-vous ?
En Russie, la mentalité est très différente de l’Europe. À une personne qui souhaiterait entreprendre en Russie, je dirais donc de commencer, avant de se lancer, par APPRENDRE LES RÈGLES DU JEU LOCALES. Rencontrer un avocat russe qui a l’habitude de travailler avec des Français est à mon avis l’une des premières choses à faire.
Ensuite, il faut TRAVAILLER SA RELATION AVEC SES EMPLOYÉS. Il ne faut pas hésiter à s’affirmer, à s’imposer pour être respecté.
Enfin, il faut apprendre à reconnaître les projets qui sont biaisés dès le départ afin de ne pas perdre son temps et son énergie. Ces projets mort-nés sont assez symptomatiques en Russie ; développer cette sorte de connaissance, d’intuition permettra de les identifier plus rapidement.
Quelles sont, selon vous, les clés du succès pour entreprendre en Russie quand on est étranger ?
Je pense tout d’abord qu’il faut PARLER RUSSE. C’est indispensable pour développer son activité en Russie. La barrière de la langue est importante, il ne faut pas la sous-estimer. Montrer à son interlocuteur russe que l’on fait l’effort de s’exprimer dans sa langue permet d’ouvrir des portes.
Ensuite, il faut CRÉER DES OPPORTUNITÉS en allant à la rencontre des gens. Il faut être vu, il faut être invité aux conférences, il faut développer sa relation aux autres car la relation est plus importante au final que le prix ou le produit. En faisant du business en Russie, j’ai noté qu’à produit égal et à prix plus ou moins égal, c’est la relation qui va gagner.
À un entrepreneur qui arriverait en Russie, où lui diriez-vous d’aller pour trouver de l’information ?
Un entrepreneur peut se tourner vers plusieurs interlocuteurs pour obtenir de l’information, et notamment :
• L’Association of European Businesses (AEB)
• La Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (CCIFR)
Dans l’industrie de la publicité, deux organisations peuvent apporter de l’aide :
• L’Association des agences publicitaires AKAR,
• L’Interactive Advertising Bureau (IAB)
Le business en Russie, en bref, c’est comment ?
Même si Moscou est une ville qui ressemble à une ville européenne, avec une population qui ressemble à une population européenne, la Russie reste un pays très différent de l’Europe. Il faut en avoir conscience. Et il faut réussir à travailler en gardant à l’esprit que demain tout peut s’arrêter et devenir différent. C’est la raison pour laquelle, les entrepreneurs qui réussissent en Russie, ce sont ceux qui aiment ce pays !
Aimer la Russie, comprendre les Russes (notamment leur conception de la liberté et de la fête) et ne pas craindre le risque, voilà les vraies clés de la réussite.
©photo : Tom Grimbert
Regard sur une séance d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®
Thierry, un mot sur notre séance d’Executive Coaching ?
Ce coaching a été une expérience différente de ce à quoi je m’attendais. J’ai découvert que le coaching est beaucoup plus ouvert que les autres prestations d’accompagnement comme le consulting ou le training. Le coaching correspond à une approche globale. À présent, j’aime dire que le coach est un “guide de développement personnel” qui montre, non pas la voie à suivre, mais les obstacles à ne pas négliger.
Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko, transcrits et co-rédigés par Sophie Malac
International Executive Coach & Adviser « Become an inspiring leader » Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ». Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, puis diplômé INSEAD, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…). Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, détenteur du plus haut niveau de certification (ICF MCC « Master Certified Coach ») et plusieurs fois nominé « Top 5 International Executive Coach », il intervient auprès de tout dirigeant qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.ANTOINE LEYGONIE-FIALKO