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Published on: Entretien

Cathy Werner, International Director, Fleurance Nature

Parole de dirigeant à l’international

Les clés d’une réussite business à l’international

Cathy Werner, International Director, Fleurance Nature

« La place professionnelle de la femme est très variable selon les pays »

Cathy Werner a parcouru le globe. Elle nous raconte les particularités du monde des affaires de chaque pays avec lequel elle a travaillé…

Quelques faits

2002 : URGO Group — International Export & Private Label Manager
2014 : Fleurance Nature — International Director

 

Entretien mené par Antoine Leygonie-Fialko
Dialogue ouvert 
puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®

J’ai été frappé par le nombre de pays dans lequel Cathy a voyagé pour faire des affaires. J’ai trouvé éclairante son analyse de la position professionnelle de la femme à l’international suivant les us et coutumes des différents pays…

« Vendre l’authenticité française à l’international »

Cathy, quelle est l’activité de Fleurance Nature et votre rôle dans la société ?

Fleurance Nature est une société qui existe depuis 50 ans qui fabrique des compléments alimentaires pour la santé et des produits pour le bien-être au quotidien comme de la cosmétique bio, du maquillage bio, de l’aromathérapie et des huiles essentielles bio. C’est une belle PME qui fait plus de 25 millions d’euros de chiffre d’affaires. Fleurance Nature a pignon sur rue dans la VPC, la Vente Par Correspondance. Comme ce canal de vente est en perte de vitesse, j’ai été recrutée comme directrice internationale, en 2014, par le président de Fleurance Nature dans le cadre de sa volonté de faire un virage vers d’autres canaux de vente. Pour opérer ce changement en douceur, je me suis d’abord concentrée sur l’international qui était complètement vierge, et seulement, plus tard, j’ai développé la France sur la partie retail : pharmacie et magasins bio. Aujourd’hui je suis en charge de tout ce qui est retail en entreprise, à l’exclusion de la VAD (vente à distance incluant vente par correspondance et internet) qui est gérée par d’autres équipes.

Quels sont vos clients ?

La majorité de mes clients finaux — 80% — sont des femmes entre 35 et 55 ans. Pour atteindre cette cible, j’ai des clients directs très divers. Parfois, dans certains pays d’Europe occidentale que j’ai peu développés, je vends directement à une pharmacie ou à un magasin bio qui m’appelle. Mais le plus souvent je passe par un importateur qui a une exclusivité nationale et avec qui j’ai un contrat de distribution. En Asie, en Amérique du Nord, en Afrique et en Europe de l’Est, j’ai uniquement des contrats avec des importateurs-distributeurs. Parfois aussi, je travaille avec des « onliners » parce que le marché de la pharmacie a beaucoup évolué sur les quinze dernières années, et une entreprise comme la nôtre ne peut plus se passer des onliners. Ces clients nous permettent d’éviter de passer par un réseau d’importateurs distributeurs. Cela fluidifie énormément le marché.

Comment faites-vous pour vous distinguer de la concurrence ?

Nous avons une forte concurrence sur chaque catégorie de produit. Pour nous distinguer de la concurrence, nous avons des Key points très différenciants qui nous permettent d’exister pleinement sur notre positionnement. Nous sommes une marque du Sud-Ouest de la France, l’emblème de Fleurance, c’est le tournesol. Avec Fleurance Nature, nous sommes vraiment au cœur de la France, dans le Gers. Notre siège est situé dans le village même de Fleurance. Pour cela, nous représentons l’authenticité française avec des produits certifiés bio et une efficacité produits. Nous existons depuis 50 ans donc nous avons une vraie expertise.

Quelle est la composition de votre équipe ?

Chez Fleurance Nature, nous sommes 90 personnes, ce qui est peu. Le plus gros des salariés se trouve au siège à Fleurance. Nos deux plus grands services sont la supply chain et le service client. Il est une vraie fourmilière. En particulier, nous avons un pool d’une quinzaine de personnes qui répondent aux consommateurs que nous servons en VPC.

Quels sont vos challenges pour les prochaines années ?

Notre challenge de l’année consiste à opérer un virage important sur la pharmacie en France. Comme nous avons décidé d’externaliser la fonction commerciale sur la France, nous venons de nouer un partenariat avec GSA, une société de prestations commerciales, pour nous aider à nous développer auprès des pharmacies françaises, et notamment auprès des groupements de pharmacies.

« En Europe, chaque pays a son propre équilibre entre le business et l’humain »

Quelles sont les différences culturelles du business entre les pays d’Europe ?

Malgré l’apparente proximité entre les pays d’Europe occidentale, il y a de grandes différences entre eux. Il y a même de grosses différences entre des pays proches, par exemple entre un client italien, un client portugais et un client espagnol… J’entends dire que les clients portugais et les clients espagnols sont pareils, mais je constate que leur façon de travailler est absolument différente. Voici quelques grands traits que j’ai identifiés en Europe de l’Ouest. Avec un client anglais ou allemand, mon échange sera beaucoup plus factuel, straight to the point. Nous sommes là pour faire du business donc la discussion est très carrée, avec beaucoup de rigueur. Avec un client italien, s’il n’y a que la rigueur, cela ne sera pas suffisant pour créer une relation à long terme. Avec le client italien, je dois absolument ajouter de l’humain, c’est indispensable. Comme je ne parle pas italien — et c’est le seul pays où quelqu’un m’a reproché de ne pas parler la langue nationale —, je dois parler de sujets personnels, des enfants, du sport que la personne aime, etc. Je dois aussi me livrer sur moi-même. Cette dimension est très importante en Italie.

Avec un client espagnol, je dois aussi mettre de l’humain mais pas de la même manière qu’en Italie. Avec un client Italien, dès le premier jour je vais tout savoir sur la vie personnelle de mon interlocuteur et il me posera également beaucoup de questions personnelles. Avec un client espagnol, la relation sera très fermée au début parce qu’on ne se connaît pas. La relation va évoluer en douceur. Personne ne va commencer par déballer sa vie, mais chacun devra s’ouvrir de plus en plus au fil des rendez-vous. Lors du premier rendez-vous, les clients espagnols seront très attachés aux faits, puis à la fin du rendez-vous, commenceront les questions plus personnelles. Avec un client espagnol, et encore plus avec un client italien, il sera souvent essentiel de manger ensemble après le rendez-vous. En Espagne, il faut aller prendre une bière avec ses clients, même sans la boire. Quand j’habitais à Lille, je me levais à 4 heures du matin pour partir en Espagne, je faisais la réunion non-stop, nous allions manger à 14 heures. Pendant le repas, nous discutions, puis nous poursuivions le rendez-vous l’après-midi jusqu’au soir où nous allions dîner à 22 heures ! J’étais déjà levée depuis 4 heures du matin, et pourtant nous allions diner vers 22h jusqu’à presque minuit. C’est à ce moment-là que nous parlions de l’humain et de plein d’autres choses comme l’économie, la politique… Et en réalité, c’est ce moment off qui scellait véritablement notre accord.

Au Portugal, j’ai rencontré des personnes beaucoup plus carrées, très chiffres. Comme les clients portugais sont souvent francophiles, j’ai remarqué qu’ils avaient une confiance préétablie avec les Français. À mon sens, les clients portugais sont les Européens les plus proches des Français. Nous aimons bien aller boire un verre, manger ensemble, bien travailler pour le business mais ce n’est pas parce que nous nous entendons bien que nous allons travailler ensemble non plus.

En Europe de l’Est, comme je travaille avec l’Ukraine, la Macédoine, le Kosovo, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la Slovénie et la Tchéquie, j’ai aussi découvert une multitude de spécificités culturelles. Là-bas, j’ai deux types d’interlocuteurs : les onliners pharma et les importateurs-distributeurs sur des chaînes de pharmacie. Un point commun à tous les pays de l’Est : j’ai trouvé que les femmes étaient très importantes en milieu professionnel. Ces dernières ont une grande rigueur de travail, elles travaillent non-stop. Je reçois des mails la nuit, le week-end…  une force de travail incroyable ! En Europe de l’Est, je remarque souvent un fort respect du patron. Par exemple, en Macédoine, en Slovénie et en Slovaquie, le distributeur se déplace souvent avec moi pour aller voir des pharmacies. À son arrivée, tout le personnel de la pharmacie se courbe. En contrepartie, j’ai aussi découvert que la loyauté à la personne est plus forte que la loyauté à l’entreprise. Quand je suis arrivée chez Fleurance Nature, certains clients notamment d’Europe de l’Est m’ont dit : « Je ne sais pas dans quelle entreprise tu viens d’arriver, je ne connais pas leurs produits mais je les prends parce que je veux continuer de travailler avec toi ».

Par contraste, en Ukraine, comme en Finlande, j’ai eu des contacts beaucoup plus carrés. Là-bas, c’est très business et plus compliqué de rentrer dans l’humain.

« Pour une PME, le Canada est plus facile que les USA »

Cathy, quelles différences faites-vous avec l’Amérique du Nord ?

Je travaille avec les États-Unis et le Canada. Les deux pays sont complètement différents. Aux États-Unis, au moment des négociations, le principe est l’ambition : « sky is the limit ». Il n’y a pas de problème, ce sont des vendeurs de charme. Le Français est très tableur Excel, alors qu’un Américain a besoin qu’on lui vende du rêve. Après, il faut être sûr de là où on va, et de ce qu’on fait. Parce que les Américains ne vont jamais prendre de risque, ils vont dire « ok » mais après ce sera à nous d’assumer tous les risques.

Au final, pour une PME c’est compliqué de travailler aux États-Unis parce que c’est très coûteux. Dans mon industrie, les clients directs sont des groupements de pharmacies qui représentent plusieurs milliers de points de vente – alors qu’en France, les points de vente se comptent seulement en centaines. Dans ce contexte, l’acheteur a un poids incroyable et un pouvoir de négociation très développé. Il a des exigences qui sont devenues normales, mais qui sont très compliquées pour une PME. Je donne un exemple : si vous référencez un produit aux États-Unis vous êtes très content parce que vous avez su conclure avec un acheteur qui a 3 000 pharmacies. L’acheteur dit « ok, je prends vos produits, ils sont super, par contre il faut en mettre six gratuits par pharmacie pour le démarrage ». Ce qui veut dire que vous devez assumer de fournir 18 000 exemplaires du produit gratuitement. Après vous avez les ventes et pour cela nous avons été obligés de créer une filiale, d’avoir un stock sur place et surtout d’avoir un avocat. C’est réglementaire, vous ne pouvez pas y aller tout seul comme ça. Il faut tout verrouiller. En particulier, il faut une très bonne assurance américaine. Et puis un an ou six mois après l’acheteur vous dit « Vous n’avez pas réussi à vendre les quantités que nous nous étions fixées. Donc vous reprenez tout le stock, à votre charge, et tout le transport, à votre charge ». À ce stade, l’acheteur ne vous a encore rien payé de ce qu’il a vendu. Même si vous avez vendu pour 5 millions de chiffre d’affaires, s’il considère que ce n’est pas assez, il vous demande de tout reprendre. Et après cela, nous avons mis deux ans pour être payés.

Au Canada, c’est plus facile. Mes acheteurs canadiens sont moins dans « on y va, go ! », ils sont plus dans la réflexion. Je n’ai pas l’impression que c’est une opération uniquement financière pour eux. Ils s’intéressent aussi au produit et au consommateur. Avec cette approche plus équilibrée, j’ai pu construire une vraie relation business au Canada. Mais comme la concurrence y est féroce, j’ai aussi découvert une très forte agressivité en termes de prix.

« Exporter en Amérique latine est compliqué »

Que retenez-vous de votre expérience en Amérique du Sud

Je travaille avec le Mexique, le Brésil, le Chili, l’Uruguay… Mais l’Amérique latine est très compliquée en termes d’exportation. Non pas humainement parce que l’humain est très développé. L’affection fait partie d’une relation professionnelle. Cela fait partie de la tradition de l’Amérique latine et c’est important. Après ce sont des pays compliqués parce qu’ils sont assez fermés sur les plans économique et politique. Nous sommes obligés d’avoir une entreprise sur place, ce qui veut dire un partenariat partagé, un local, sinon nous devons subir des taxations entre 60 et 80% à l’importation, ce qui nous empêche d’être compétitifs. Il y a aussi beaucoup d’exigences en termes de réglementaire.

 

« En Asie, les règles de l’accueil sont très spécifiques »

Quelles sont les caractéristiques business de l’Asie ?

En Asie, chaque pays est très différent. Comme partout, il y a des codes à connaître. En particulier, le code des cadeaux. Où que l’on aille, il faut toujours arriver avec des cadeaux. La taille du cadeau est le plus important. Peu importe ce qu’il y a dedans. Le plus gros cadeau est pour le grand patron, les cadeaux moyens pour ses N-1, les cadeaux petits pour les suivants… En Asie, les réunions rassemblent souvent beaucoup de personnes. En arrivant de l’étranger, nous devons être prêts à se retrouver face à une salle pleine où chacun a son rôle. Mais comme les participants ne se présentent pas forcément en début de réunion, nous devons savoir identifier lequel est le grand patron en sachant que ce n’est généralement pas celui qui parle.

J’adore lire des livres de management interculturel comme When cultures collide de Richard Lewis. Pour moi, c’est une bible. Je vais donner un exemple : Noël approchait et je souhaitais envoyer mes vœux à mon client coréen. Je lis dans When cultures collide, que ce qu’il faut souhaiter à un Coréen, c’est de gagner beaucoup d’argent, alors que dans la culture française nous souhaitons la santé, le bonheur, etc. Quand j’ai envoyé mon email lui souhaitant de gagner beaucoup d’argent, j’étais dubitative. Mais très rapidement j’ai reçu un retour de sa part très enjoué, me remerciant énormément et avec beaucoup d’entrain, me souhaitant également de gagner beaucoup d’argent ! Chaque culture est tellement différente.

En Chine, j’ai seulement travaillé avec des onliners comme Alibaba. Là, j’ai vu la jeunesse chinoise dans ces nouveaux mastodontes chinois. J’ai trouvé qu’en termes de technicité et d’apprentissage, il y avait beaucoup à faire mais c’était très riche de voir cette envie forte de développer les activités. La jeunesse chinoise travaille beaucoup et cela va très vite, c’est passionnant !

Souvent les hommes disent que pour faire des affaires en Chine, il faut passer par le karaoké et boire de l’alcool de riz. Mais comme je suis une femme je n’ai pas eu à subir ce genre d’épreuve et cela n’a jamais nui au business. À la place, les clients m’invitaient à dîner dans des restaurants gastronomiques. C’était magnifique. Les Chinois ont toujours envie de montrer leur pays, leur culture.

Au Japon, j’ai été assez choquée : c’est le seul pays du monde où le fait que je sois une femme a été une difficulté. Quand on a signé le contrat, le patron-actionnaire m’a emmenée voir la salle de cérémonie du thé, là où tout accord se scelle au Japon. Il me la montre mais il me dit que je ne ferai pas cette cérémonie du thé parce que je suis une femme.

« En Afrique du Nord, la relation professionnelle homme- femme très variable selon les pays »

Qu’en est-il de l’Afrique du Nord ?

Chaque pays d’Afrique du Nord est différent. Le Maroc est très occidentalisé, très francophile, beaucoup de femmes travaillent. L’humain est très important. Quand je rencontre un importateur, nous allons manger ensemble chez lui avec la grand-mère, le grand-père, les enfants et ils vont faire le couscous maison qui sera forcément le meilleur couscous du pays. Au Maroc, j’entre dans la famille. Et puis les Marocains sont très travailleurs.

En Algérie, je n’ai travaillé qu’avec des hommes. J’ai été très étonnée parce que tous mes interlocuteurs avaient fait leurs études en France, ce qui rendait les échanges très faciles. J’ai trouvé un niveau de travail et de connaissances très élevé. Malheureusement, l’Algérie est un pays fermé en termes de taxes et de règlementation. C’est très compliqué de travailler là-bas.

En Égypte, pour respecter l’étanchéité homme-femme, un client masculin qui ne voulait pas me mettre mal à l’aise en ne m’invitant pas à dîner, a organisé pour moi un repas avec dix de ses collaboratrices. Cela m’a permis de découvrir des femmes extraordinaires qui avaient envie de partager beaucoup de choses

« Écouter sans jugement et être dans l’empathie »

Cathy, les affaires à l’international, en un mot ?

Chaque pays est une découverte. Il faut donc se donner du temps pour s’ouvrir à sa culture avec humilité. Écouter sans jugement et être dans l’empathie sont les maîtres mots.

Regard sur une expérience d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®

Cathy, un mot sur votre expérience d’Executive Coaching avec moi ?

La pertinence de vos questions est bluffante. Ce que je retiens de ce coaching, c’est votre ouverture d’esprit et votre confiance dans le fait que je suis capable de trouver les solutions au fond de moi. Ce faisant, vous m’avez été d’une grande aide.

Le coaching avec vous, c’est le retour à l’excellence !

Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko

Antoine Leygonie-Fialko

ANTOINE LEYGONIE-FIALKO

International Executive Coach & Adviser

« Become an inspiring leader »

Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ».

Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, puis diplômé INSEAD, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…).

Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, détenteur du plus haut niveau de certification (ICF MCC « Master Certified Coach ») et plusieurs fois nominé « Top 5 International Executive Coach », il intervient auprès de tout dirigeant qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.

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