Les challenges du dirigeant à l’international
Gérer les conflits dans un environnement interculturel
« Dans un désaccord, si vous vous concentrez sur la personne et non sur le problème, vous trouverez toujours des raisons de poursuivre le conflit. » — Dalaï Lama
Paul, un directeur français venait de s’établir au Mexique, et lors de ses premières réunions il critiqua le comportement de Mario, un de ses collaborateurs, devant toute son équipe. Il fut assez étonné lorsque Mario vint dès le lendemain lui offrir sa démission. En effet, Mario s’était senti humilié d’avoir été ainsi exposé devant ses collègues, il avait perdu la face et il ne faisait aucun doute pour lui qu’il serait renvoyé rapidement. Il préférait alors prendre les devants et démissionner. Pour Paul, cette attitude lui était totalement étrange.
Ce genre de situations est assez courante dans des organisations multiculturelles, ou lorsque des expatriés partent travailler dans un pays étranger. Elles mènent à des conflits ou des prises de position qui peuvent dégénérer fortement, alors qu’à la base il ne s’agit que d’un malentendu sur des valeurs culturelles différentes.
Nous proposons dans cet article quelques suggestions pour éviter ces malentendus et gérer les conflits qui en découlent. Et tout d’abord tâchons de comprendre mieux les causes de ces malentendus.
Valeurs culturelles
Les valeurs culturelles sont les croyances et les principes fondamentaux qui définissent une culture spécifique. Elles sont transmises de génération en génération par les traditions familiales, l’éducation, la socialisation, les croyances religieuses ainsi que les média ou la culture populaire. Divers auteurs tels que Geert Hofstede ou Erin Meyer ont cherché à caractériser ces valeurs selon plusieurs dimensions.
Mentionnons ici deux des dimensions qui ont un impact important sur les conflits.
Sociétés individualistes et collectivistes
Dans les sociétés individualistes, les liens entre les personnes sont faibles et lâches. Chacun est censé prendre soin de soi-même et de sa famille, la solidarité collective étant pratiquement inexistante. C’est particulièrement le cas dans les cultures anglo-saxonnes telles que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie et le Canada.
En revanche, dans une société collectiviste, les individus sont intégrés dès leur naissance dans des groupes forts et cohésifs. Tout au long de leur vie, ces groupes continuent à protéger les individus en échange d’une loyauté sans faille. Dans ce type de société, les membres de la communauté (famille, village, origine ethnique…) attendent les décisions du groupe et agissent en conséquence.
Une observation illustrant bien ces différences : en anglais, le pronom « je » est en majuscule (I sing), tandis qu’en espagnol, il n’est pas prononcé (canto).
Avoir un conflit avec un membre d’une communauté peut entraîner des problèmes, surtout lorsque plusieurs membres de cette même communauté travaillent également au sein de l’entreprise. Au Mexique, par exemple, où la culture collective et communautaire est profondément ancrée, en particulier parmi les classes sociales plus défavorisées, il n’est pas rare d’observer une solidarité entre les membres d’une même famille face à un conflit impliquant l’un d’entre eux.
Le fait de promouvoir un membre d’un groupe solidaire peut être interprété comme une trahison par ses anciens collègues, surtout s’il semble chercher à affirmer sa supériorité. Son comportement, perçu comme étant « individualiste », risque d’être sanctionné par ses collaborateurs, qui pourraient lui rendre la vie difficile et ne plus le considérer comme l’un des leurs.
Un autre facteur important dans les sociétés collectives est l’importance de sauver la face. Pour Mario, comme illustré dans l’exemple en introduction de l’article, il est impératif de répondre attentes fondamentales qui lui sont imposées en raison de sa position sociale. Exposer ses insuffisances devant ses collègues, le faisant perdre la face, constitue un déshonneur insupportable pour lui, et la honte le pousse à renoncer.
Il est important de souligner que les cultures collectivistes sont influencées par la honte, tandis que les cultures individualistes sont davantage caractérisées par la culpabilité.
La distance hiérarchique
Une autre dimension qui exerce une forte influence sur les relations, pouvant conduire à des conflits si elle n’est pas gérée avec précaution, est la distance hiérarchique. Il s’agit de la mesure dans laquelle les membres moins puissants des institutions et des organisations d’un pays anticipent et acceptent la répartition inégale du pouvoir.
Un cadre originaire d’Angleterre ou d’un pays d’Europe du Nord s’attend à une communication directe et ouverte avec tous les employés de l’organisation, indépendamment de leur position hiérarchique. En effet, dans ces sociétés, la différence hiérarchique ne compromet pas l’égalité fondamentale. Chacun jouit donc du droit à la liberté d’expression, et il est non seulement normal mais également souhaitable que chacun exprime son point de vue, quel qu’il soit.
En revanche, dans les pays latino-américains, tels que le Mexique, ainsi que dans les pays arabes ou la Chine, le respect envers la hiérarchie est si profond que l’on évite de manifester son désaccord avec celle-ci. Cette situation peut entraîner de graves malentendus si le manager et son équipe ne partagent pas la même distance hiérarchique. Ainsi un manager anglais dans un environnement mexicain, comprendra l’attitude d’approbation de la part des membres de son équipe quant à une décision importante comme un accord, alors que ceux-ci sont simplement polis et ne pensent pas à donner leur opinion. Il est fort probable que la mise en œuvre de la décision soit compliquée. De fait, le mexicain ne sait pas dire et ne comprend pas le « non ». À un marchand ambulant insistant on dit « gracias » (merci). Si on lui dit non, il continuera à nous offrir sa marchandise.
À l’inverse, un manager pour qui le respect de la hiérarchie est implicite, évoluant dans une organisation où la liberté d’expression est depuis longtemps établie, pourra se sentir personnellement attaqué par les observations de ses collaborateurs. Ceci pourrait entraîner une attitude négative à leur égard, pouvant même aller jusqu’au renvoi.
Autre situation qui peut générer des tensions dans des pays où la distance hiérarchique est élevée, est quand un manager s’adresse directement au subordonné de l’un de ses managés, sans lui en parler avant. Ce dernier va se sentir évincé et risque de prendre très mal cette situation. Si de plus nous avons affaire à des personnes dont la culture est plutôt collectiviste, on aura créé, sans le savoir, une situation potentiellement conflictuelle qui peut exploser à tout moment.
Observations
Rappelons que les différences culturelles entre les sociétés sont relatives. Par exemple, la culture française apparait dans les enquêtes comme étant plus individualiste que la culture brésilienne, mais moins que les cultures anglo-saxonnes. À son tour, le Brésil se positionne parmi des pays plus individualistes par rapport au Mexique.
Un autre point à noter est qu’au sein d’une même société, d’importants sous-groupes culturels existent. Il existe une corrélation indéniable entre la richesse d’un pays et la tendance à l’individualisme, la richesse étant souvent associée à une orientation vers l’individualisme. C’est un peu ce qui se produit lorsqu’une personne est promue au sein d’un groupe collectiviste. N’oublions donc pas que la caractérisation générique d’une culture ne signifie en aucun cas que toutes les personnes membres de celle-ci se comportent de la même manière.
Recommandations
Voici quelques recommandations pour prévenir et mieux gérer des situations de conflit d’origine interculturelle.
1. Développez votre conscience ainsi que votre intelligence culturelle
La réflexion sur vos propres valeurs et styles de communication revêt une importance cruciale pour comprendre leur influence sur les interactions. Cette prise de conscience est à la fois personnelle et collective. Il s’agit d’expliquer à son entourage que des différences de valeurs existent, permettant ainsi une interprétation alternative et non conflictuelle des situations.
2. Encouragez la diversité, sans jugements
Promouvoir le partage des perspectives et des expériences culturelles revêt une importance cruciale. Cela favorise l’acceptation des différences sans juger les comportements et les valeurs comme étant supérieurs les uns par rapport aux autres.
3. Établissez des accords au sein de votre équipe ou organisations
La création de règles claires et consensuelles au sein d’un groupe contribue à dissiper les malentendus, à reconnaître les différences et à aboutir à une compréhension mutuelle.
Conclusion
Il est essentiel de mettre en lumière les conflits latents au sein d’une équipe. Éviter de les affronter ou de les aborder ne peut que les aggraver. Un leadership coach peut aider le groupe à prendre conscience de ces problématiques et à les résoudre. De plus, s’il est spécialisé dans les situations interculturelles, il sera en mesure de discerner les conflits qui trouvent leur origine dans des différences de valeurs et de croyances.
Par la suite, il saura guider le groupe dans l’établissement d’un accord sous forme d’alliance, élément essentiel pour renforcer la confiance, favoriser une meilleure communication et améliorer les performances de l’équipe.
En savoir plus sur notre accompagnement
Cadran propose un accompagnement dédié aux dirigeants qui souhaitent sortir de la solitude du dirigeant en développant leur posture de Manager-Coach, leur leadership multiculturel et leurs équipes de collaborateurs.
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JEAN-FRANÇOIS LEVY
International Executive and Team Coaching
Jean-François Levy, International Executive Coach certifié ICF de niveau PCC, est spécialisé dans le Leadership Collaboratif. Il accompagne le dirigeant à l'international à "Prendre conscience de ses talents comme tremplin pour son épanouissement personnel et professionnel…"
Franco-mexicain de naissance, il a développé une expertise dans le développement organisationnel des PME et des entreprises familiales au Mexique, où il réside depuis 2000. Auparavant, il a exercé des fonctions de dirigeant au sein de grandes entreprises en Angleterre, en France et au Brésil, puis comme directeur des opérations au sein d'une PME familiale.
Avec plus de 30 ans d’expérience en management interculturel et la maîtrise de la Co-CREATiVE Communication®, il permet aux dirigeants d'exprimer leur style personnel de leadership tout en l’adaptant à la situation culturelle de leur organisation.