Paroles de dirigeant à l’international
Les clés d’une réussite business à l’international
Patrick Font, ex-Directeur Général Mexique, Zurich Insurance
« Le leadership en toile d’araignée génère de meilleurs résultats »
La carrière à l’international de Patrick Font démarre en Espagne avec une mission court-terme chez AXA qui, pendant 20 ans, lui offrira des expatriations aux Etats-Unis, en Italie, à Singapour et enfin au Mexique où il décide de quitter AXA pour Zurich Assurance…
Quelques faits
1998 : AXA Italie – Directeur du département Actuariat P&C – Actuaire en chef P&C
2002 : AXA – DG régional pour l’Asie du Sud-Est
2007 : AXA MPS Assicurazioni Danni SpA (Italie) – Directeur général
2012 : AXA Mexique – Directeur exécutif des branches d’activité assurance P&C
2019 : Zurich Seguros (Mexique) – Directeur général
Mail : patrickjfont@gmail.com
Entretien mené par Antoine Leygonie-Fialko
Dialogue ouvert puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®
J’ai rencontré Patrick par l’intermédiaire de son épouse, Laurence, COO de BNP Paribas Mexique. J’ai tout de suite compris que nous avions en commun une passion pour l’exploration des différences culturelles. J’ai plein de gratitude envers Patrick pour m’avoir fait découvrir le livre « Culture Codes » de Clotaire Rapaille qui explore subtilement ce vaste sujet…
« Le contraste entre les types de management à l’international offre de nouvelles perspectives »
Comment se déroulent vos premières années d’expérience à l’international ?
Mon expérience d’actuaire à l’international débute en Espagne, où j’ai séjourné pendant six mois, et se poursuit en Italie avec une mission également de six mois. Au cours de ma première année de travail, j’apprends à faire preuve de flexibilité, à la fois au niveau personnel et professionnel, car je suis appelé à gérer de nombreux imprévus. De plus, j’apprends à développer rapidement des capacités d’adaptation face aux exigences du métier et à travailler en fonction des priorités.
Par la suite, mon entreprise décide de m’affecter aux États-Unis comme CSNE (Coopérant au Service National en Entreprise). Sur place, je découvre un pays en pleine évolution et un milieu professionnel très exigeant en termes d’années d’expérience, de stages pratiques, de parrainage et de certification. Après un an et demi, la direction de ma boîte me propose un poste à durée indéterminée au sein d’une équipe jeune et dynamique. Cet environnement de travail m’offre l’occasion de vivre le leadership américain auquel j’adhère complètement. Contrairement aux boîtes beaucoup plus petites dans lesquelles j’avais travaillé en Espagne et en Italie, ce milieu présente un leadership qui se caractérise par un management de proximité dans un naturel impressionnant.
Ce qui m’a le plus marqué, c’est la reconnaissance et l’attention des dirigeants à l’égard des employés et leur facilité à appliquer les principes de méritocratie.
Que retenez-vous de votre séjour en Italie ?
Après trois ans aux Etats-Unis, suivis de trois ans en France au siège d’AXA, je sollicite un poste sédentaire et ma direction me propose de rejoindre l’Italie ou l’Espagne. En 1998, je fais le choix de m’installer à Milan pour prendre la tête d’une équipe de sept personnes venant d’horizons différents, pendant une période de quatre ans. J’y découvre l’art du management et parviens à instaurer un leadership en opposition avec les règles très hiérarchiques locales. En effet, je développe une entente avec mon équipe, à partir de laquelle se génère une ambiance de camaraderie, tout en maintenant le sérieux nécessaire dans le travail.
Je commence à positionner mon leadership personnel d’accompagnement en allant à l’écoute des membres de mon équipe et en explorant ce qu’ils ont à offrir ; ce qui est tout à fait nouveau et contraire au management italien très hiérarchisé, dans un contexte de tissu économique familial.
Et c’est grâce à cet effet de contraste entre les types de management que je me rends peu à peu compte de la force du leadership américain.
« Faire accepter la différence, l’un des plus beaux résultats »
Patrick, quelle est la particularité de votre séjour en Asie ?
À Singapour, tous les moyens sont réunis pour pouvoir donner le meilleur de soi, de la facilité d’obtention des visas à l’installation. J’arrive pour une mission régionale en Asie et suis chargé du département technique unique et du département opérationnel. La première chose que j’apprends est la méthode inédite que mon patron utilise dans la gestion des équipes issues des différents pays d’Asie.
Dans l’objectif de limiter les dépenses, ce dernier a mis en place une structure matricielle au sein de laquelle les patrons de pays sont aussi patrons de fonctions transversales régionales. Le patron d’un pays est bien sûr l’ambassadeur de la marque dans un pays. Il se charge de développer les relations avec le marché et les autorités locales. Il joue également un rôle d’observateur lors des évaluations de fin d’année. Sa carte de visite présente deux fonctions, à savoir celles liée aux responsabilités locales et régionales.
Par ailleurs, j’apprends une nouvelle manière d’organiser l’entreprise, notamment lorsqu’une contrainte combine la multiplicité des pays et des cultures, et la petite taille. Je m’inspire d’un modèle matriciel « inversé » qui me permet de donner plus de poids à la dimension fonctionnelle régionale qu’à la dimension locale.
Je deviens l’un des éléments clé de ce modèle, étant à la fois CEO à Singapour et responsable de plusieurs fonctions régionales. Je passe à un rôle de manager avec un effectif de 700 personnes sous ma responsabilité et apprends à renforcer d’autres thématiques du leadership, notamment l’apprentissage de l’écoute.
Comment avez-vous appréhendé la collaboration avec des Thaïlandais ?
Dans le cadre de mon poste de Directeur général Asie du Sud Est, j’ai eu l’opportunité de gérer des équipes thaïlandaises. Les Thaïlandais sont des gens extrêmement fiers – notamment du fait qu’ils n’aient jamais été colonisés. En outre, ils ne manifestent pas le besoin de s’ouvrir au reste du monde. Travailler pour une boîte étrangère implantée en Thaïlande représente un véritable défi. Le niveau d’anglais est généralement peu élevé et il faut aller au-delà de l’écoute pour les comprendre et surmonter les barrières linguistiques. Ce sont des personnes introverties qui ont besoin de temps pour être compris.
En Indonésie, les gens se comportent de façon assez similaire. J’ai réalisé qu’il convient de valoriser ce qu’ils ont dans leur pays tout en apportant de nouvelles images et expériences, dont celles que nous avons recueillies et vécues en d’autres lieux. L’un des plus beaux résultats qu’un Directeur exécutif puisse obtenir est de faire accepter la différence à ses collaborateurs.
Fort de mon expérience, je peux affirmer aujourd’hui que le leadership « en étoile », qui consiste à diriger les collaborateurs depuis le centre, est moins satisfaisant et moins efficace que le leadership « en toile d’araignée » qui lui, permet à chacun d’influencer l’autre de façon directe.
« Derrière chaque challenge se cache une leçon »
Qu’apprenez-vous de nouveau à votre retour en Europe ?
Après l’Asie, je reçois une offre d’emploi pour Rome. Je l’accepte avec l’ambition de revenir en Europe, mais aussi avec l’objectif de quitter Singapour qui est un milieu rude sur le plan de l’épanouissement personnel. De ce fait, je m’installe de nouveau en Italie, à Rome cette fois-ci, avec un entourage incroyablement chaleureux. J’apprends un nouveau modèle de business, travaillant pour la première fois en relation avec une banque.
En effet, le groupe pour lequel je travaille vient d’acquérir une part majoritaire au sein d’une société jusqu’alors propriété à 100% d’une banque très traditionnelle, donc au style de management plutôt rétrograde. Je choisis de ne pas voir cette situation comme un retour en arrière, mais comme un challenge, d’autant plus que tous les éléments sont réunis pour faire évoluer la situation.
La gestion de ce défi m’a fait réaliser que tout est possible, surtout qu’en tant que leader, je n’avais jamais fait face à une telle situation, à un tel contexte. J’apprends également l’importance du QUESTIONNEMENT dans le sens de l’EXPLICATION A DONNER et je découvre peu à peu l’importance du leadership dans le succès d’une TRANSFORMATION CULTURELLE RADICALE. Et toutes les modifications que j’effectue au sein de la boîte auront finalement un impact sur la banque elle-même.
« Créer une atmosphère de travail conviviale pour obtenir de meilleurs résultats »
Quels comportements avez-vous adoptés pour optimiser les relations professionnelles au Mexique ?
Au bout de sept ans, j’ai l’opportunité de rejoindre le Mexique. J’arrive dans une boîte avec deux autres français qui venaient directement de France. Après deux mois, je reçois des retours positifs de la part des Mexicains quant à la rapidité de mon intégration. Cette adaptation a, selon moi, été facilitée par les nombreux points communs aux cultures italienne et mexicaine, notamment une tendance « à ne pas se soucier du lendemain ».
En termes de leadership, il existe tout un vocabulaire qu’il convient de s’approprier pour dénouer un certain nombre de situations. Il faut parvenir à jouer sur l’AUTHENTICITÉ pour que les personnes avec qui nous travaillons s’impliquent de la meilleure façon possible.
Je retrouve un tissu économique très familial et constate que les gens ont cette tendance à confondre le rôle du leader et celui du propriétaire de l’entreprise. Par exemple, les employés considèrent les augmentations comme une sorte de faveur de la part du patron – assimilé au propriétaire – même s’il ne s’agit pas forcément d’une boîte familiale. Cette situation m’amène à renforcer mon SOUCI DE TRANSPARENCE et me pousse à mieux me faire connaître par les gens avec qui je travaille. Pour ce faire, je passe beaucoup de temps avec eux et organise régulièrement des petits déjeuners ou cafés avec des groupes d’une vingtaine d’employés. Je mise également sur l’ASPECT COMPORTEMENTAL car, au-delà de ces rencontres, le travail principal est de savoir COMMUNIQUER aux collaborateurs, créer une ATMOSPHERE CONVIVIALE et surtout PRÊCHER PAR L’EXEMPLE.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui voudrait se lancer dans une carrière à l’international ?
La première chose qui me vient à l’esprit est de dire à ce jeune de foncer, mais qu’il le fasse pour de « bonnes » raisons. L’exemple d’une connaissance qui se soit lancée et ait réussi ne devrait pas – par exemple – être un déclencheur suffisant. La question qu’il devrait se poser est de savoir s’il aura la capacité de s’adapter à la culture de son pays d’accueil. Il est également très important non seulement de savoir où nous allons, mais aussi de savoir d’où nous venons et qui nous sommes. Parce que si la personne qui souhaite se lancer dans une carrière à l’international est une aventurière, elle saura mieux s’acclimater aux nouveaux milieux et par conséquent elle aura moins de difficultés dans une carrière à l’international, peu importe le pays.
Regard sur une séance d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®
Patrick, un mot sur notre séance d’Executive Coaching ?
Pour moi, le coaching est comme une gymnastique personnelle et professionnelle qui m’aide à progresser. La vie de dirigeant force à se focaliser sur les autres, et dans ce mouvement, on s’oublie parfois soi-même. Or, le coaching permet de se repositionner au centre de sa propre vie. Merci Antoine, de votre bienveillance et de votre écoute active qui m’a permis d’être naturel et authentique avec vous, puis m’a aidé à revenir à l’essence des choses.
Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko.
International Executive Coach & Adviser « Become an inspiring leader » Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ». Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, puis diplômé INSEAD, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…). Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, détenteur du plus haut niveau de certification (ICF MCC « Master Certified Coach ») et plusieurs fois nominé « Top 5 International Executive Coach », il intervient auprès de tout dirigeant qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.ANTOINE LEYGONIE-FIALKO