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Published on: Entretiens

Rémi Paul, Directeur Pays, Russie et certains pays de la CEI chez THALES

Parole de dirigeant à l’international

Les clés d’une réussite business en Russie & CEI

Rémi Paul, Directeur Pays, Russie et certains pays de la CEI chez THALES

« La Russie est un pays où l’on se sent vivant ! »

Diplômé de Sciences-Po et titulaire d’un MBA d’HEC, Rémi Paul, après avoir travaillé 16 ans en France dans le domaine bancaire, puis à la Compagnie Générale des Eaux/Vivendi, part en 2002 en expatriation en Chine pour Véolia Eau, où il reste six ans avant de rejoindre la Russie, en 2008, comme Directeur pays. En 2014, il intègre Thales comme Directeur Russie. En 2015, ses fonctions sont étendues à plusieurs autres pays de la CEI…

Quelques faits

2008 : Veolia Water – Managing Director Russia CIS Turkey

2014 : Thales – Director Russia

2015 : Thales – Country Director Russia,
Kazakhstan, Belarus, Tajikistan, Kirghizstan and Armenia

Mail : remi.paul@thalesgroup.com
Site : www.thalesgroup.com

Entretien mené par Antoine Leygonie-Fialko
Dialogue ouvert 
puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®

J’ai rencontré Rémi dans l’avion, sur un vol Moscou-Paris. Le hasard a voulu que nous soyons assis à côté l’un de l’autre. J’ai gardé de ces quelques heures passées ensemble le souvenir d’un homme passionné de la Russie, de son histoire, de sa culture et surtout de son futur…

« Notre présence en Russie remonte à 1975 »

Rémi, Thales est un grand groupe. Pouvez-vous m’expliquer ce que vous faites en Russie et CEI ?

Aujourd’hui je suis directeur pays de Thales en Russie. Mon rôle est d’apporter mon soutien et mon expertise au développement, à la compréhension des pays, à la rédaction des stratégies et au design des principaux plans d’actions.

En plus de la Russie, j’ai dans mon périmètre de responsabilités le Kazakhstan, la Biélorussie, l’Arménie, le Tadjikistan, le Kurdistan, la Biélorussie et le Kirghizstan. C’est un portefeuille de pays très divers, par leurs spécificités et par leur contexte politique mais également en termes de maturité par rapport aux produits que nous pouvons offrir. La diversité des produits est l’une des particularités de Thales, avec plus de 2000 produits de haute technologie qui vont du domaine de la défense jusqu’au domaine du cinéma (Thales obtient régulièrement des Oscars à Hollywood avec les objectifs des caméras Angénieux) en passant par celui du contrôle aérien, de l’espace et du naval. Nous divisons ces produits par business lines dont les spécificités de gestions sont distinctes.

Comment est organisée votre équipe ?

Je suis en charge d’une équipe de 150 personnes. Cela comprend une quarantaine de sales et huit key account managers, des spécialistes de terrain aux profils très divers selon les business lines. Par exemple les key account managers civils vont traiter de signalisation ferroviaire, de sujets de communications civiles, de protection périmétrique et de sécurisation de sites industriels. Notre équipe comporte aussi des spécialistes en marketing qui accompagnent les sales. En outre, depuis 2019 et le rachat de Gemalto, désormais Thales DIS, nous avons une activité industrielle de production et de personnalisation de cartes bancaires qui est le leader en Russie sur ce marché.

Pour sortir de la crise du Covid, notre projet est d’élargir notre offre d’accompagnement aux expatriés à des services nouveaux.

Et comment sont segmentés vos clients ?

L’État russe est notre premier client, à travers des entités comme Gazprom Space Systems (GSS) ou RSCC , l’opérateur fédéral de gestion des satellites de communications. Dans les années 1980, nous vendions des systèmes de télévision à l’État soviétique, pour les jeux olympiques. Puis nous avons été présents dans l’oil and gas, en fournissant Novatek et Lukoil. L’année dernière, nous avons mis un partenariat en place pour le design et la construction d’un centre d’intégration de satellites pour GSS. Aujourd’hui Thales DIS nous ouvre des domaines d’activités nouveaux dans les paiements digitaux sécurisés, la cybersécurité, les cartes Sim, les objets intelligents et l’identification biométrique…

Quel est votre challenge majeur pour les années qui viennent ?

Mon premier challenge est de préserver l’existant. Depuis notre arrivée sur le marché, nous avons fourni 45 satellites ou charges utiles de satellites à la Russie et nous avons été un partenaire majeur dans certains programmes de haute technologique, tels que celui de l’avion de transport régional civil Sukhoi Super Jet 100, doté d’une avionique Thales. Mon second challenge est de coordonner et mettre en place des synergies entre les différentes Business Units du Groupe. Malgré le contexte compliqué des sanctions et de la politique russe, nous devons rester dans la course. La Russie est un grand pays technologique, non seulement depuis l’époque soviétique, mais aussi, aujourd’hui, grâce aux autorités russes qui mènent une politique industrielle volontariste.

© Photo : Mathieu Richard

« Je passe ma vie à lire sur la Russie »

Que diriez-vous à dirigeant qui arriverait en Russie pour prendre un poste similaire au vôtre ?

Si quelqu’un devait prendre un poste comme le mien, je lui dirais de rencontrer des gens qui ont travaillé en Russie et de lire. Je passe beaucoup de temps à lire sur la Russie, à chercher des sources d’information sur l’histoire, sur la société et sur la politique, pour essayer de comprendre les perspectives de l’autre, réfléchir sur la notion de conscience collective russe. La Russie, qui a subi une succession de traumatismes politiques et sociologiques, est un pays dont l’histoire est à la fois passionnante et tragique, marquée par des soubresauts massifs. C’est bien de connaître la Russie Blanche impériale et d’avoir lu Michel Strogoff mais il faut lire beaucoup d’autres choses pour comprendre ce qu’ont traversé les gens et ce qu’ils ont dans la tête. L’occident a souvent une vision caricaturale de l’histoire russe dans laquelle ils agrègent la vision d’un tsarisme réactionnaire, les Rouges, Staline et les liquidations collectives, les mafieux des années 1990. Tout cela forme un méli-mélo qui ne donne pas une image très flatteuse. Or la réalité du pays est différente. Les Russes sont des gens fortement attachants, avec une vision très respectable, même si elle est différente de la nôtre.

À un dirigeant français qui arriverait en Russie, je conseillerais aussi de prendre contact avec les vitrines classiques :

• L’Ambassade, les services diplomatiques, les conseillers du commerce extérieur

• La Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Russe qui est extrêmement dynamique

• Avec l’Observatoire franco-russe qui donne des informations sur l’évolution du paysage sociologique, économique, politique, et qui organise de très utiles conférences.

C’est un bon moyen de rencontrer des gens et de glaner des informations.

© Photo : Mathieu Richard

« Le premier facteur d’échec, c’est l’arrogance »

À un Français ou un étranger occidental qui souhaiterait entreprendre en Russie, quel conseil donneriez-vous ?

Le premier facteur d’échec, c’est l’ARROGANCE. Les Soviétiques ont vécu dans un système politique où dominait la propagande, avec la diffusion de messages stéréotypés et sans saveur dont ils avaient fini par comprendre qu’ils étaient vides de sens. Ils les ont retournés à leur avantage pour s’en moquer. Les Russes ont une espèce d’humour, de recul et de dérision face à tous les discours préfabriqués et régurgités sans passion par les interlocuteurs munis de présentations de 70 slides. Faire une présentation publique avec un discours préparé à Paris ou à New York sur la stratégie du groupe, c’est quelque chose qui ne passe pas en Russie. Cela veut dire qu’il faut expliquer les choses en adaptant le message à leur psychologie.

Pouvez-vous me donner un exemple de la bonne manière d’adapter un message ?

Tout d’abord, il faut ÊTRE À L’ÉCOUTE et S’ENTOURER DE GENS DE GRANDE QUALITÉ. Cela prend du temps d’être manager en Russie parce qu’il faut bien vérifier, quand nous lançons quelque chose, que notre interlocuteur est sur les bons rails et que tout le monde est bien aligné. Le point fort des Russes n’est pas forcément la communication et le partage d’informations. Il faut donc consacrer du temps à bien se comprendre.

Ensuite, il ne faut pas hésiter à LES SURPRENDRE en leur disant ce que nous pensons sur la politique de la société et sur la faisabilité immédiate. Il faut leur faire comprendre les raisons pour lesquelles l’application brute et simple de telle ou telle préconisation n’est pas possible ni souhaitable. C’est un signe d’intelligence d’adapter ainsi les choses, sans transiger bien entendu sur la compliance et les obligations légales.

La force des Russes, c’est leur l’intelligence, leur compréhension des situations et leur capacité unique qu’ils ont à naviguer dans leur propre pays, en redressant des situations qui chez nous seraient désespérées. C’est cela qui est fascinant en Russie : un sujet peut nous sembler complètement perdu puis un miracle se produit et la situation est complètement retournée. Comme disent les Russes, tout est possible en Russie mais le pire n’est jamais certain, ce qui étonne fortement notre logique cartésienne. En tant que manager, il faut toujours avoir en tête cette vision-là. Quand un sujet commence à dériver de la trajectoire initiale, il faut commencer par s’en mêler et tout vérifier, sans forcément essayer de comprendre ce qui s’est passé. Comme nous ne sommes pas Russes, nous devons ACCEPTER QUE CERTAINES LOGIQUES NOUS ÉCHAPPERONT TOUJOURS.

Vous avez évoqué la nécessité de parler russe…

J’apprends le russe depuis des années et je continue à prendre des cours. Je suis fasciné par le fait que ma professeure de russe, pourtant très douée, ne parvienne pas à traduire deux mots. Quand une culture ne sait pas traduire une notion dans sa propre langue, c’est extrêmement révélateur de la façon dont elle fonctionne. Le premier mot c’est « la cohérence ». Cela veut donc dire que la logique n’est jamais là et que la vision de la cohérence n’a pas d’intérêt pour les Russes car ils vivent dans un monde où les cartes peuvent être rebattues du jour au lendemain. Le deuxième c’est « le complexe d’infériorité »…

Rémi, quel lien faites-vous entre votre expérience en Chine et en Russie ?

La Russie, comme la Chine, est un pays où l’on se sent vivant, parce que rien n’est stable, parce qu’on peut être surpris tous les jours. Et se sentir vivant, c’est ce qui fait le sel de la vie.

© Photo : Mathieu Richard

Regard sur une séance d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®

Rémi, un mot sur notre séance d’Executive Coaching ?

Je pense que le coaching est malheureusement mal connu. Avec votre professionnalisme, vos qualités analytiques et votre honnêteté viscérale, je me suis senti en confiance. Merci, Antoine, pour ce moment de découverte de soi inattendu…

Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko, transcrits et co-rédigés par Valérie Chèze.

ANTOINE LEYGONIE-FIALKO

International Executive Coach & Adviser

« Become an inspiring leader »

Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ».

Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…).

Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, il intervient auprès de tout dirigeant à l'international qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.

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