Paroles de dirigeant à l’international
Les clés d’une réussite business à l’international
François-Xavier Moreau, DG APAC, Président Japon & Corée, Groupe Bel
« L’expatriation, c’est remettre les compteurs à zéro »
François-Xavier Moreau a une très vaste expérience à l’international. Il est passé par l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Émirats Arabes Unis, l’Iran… pour parvenir au Japon. Aujourd’hui, il nous révèle ce que chacun de ces pays lui a appris…
Quelques faits
Entretien mené par Antoine Leygonie-Fialko
Dialogue ouvert puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®
J’ai rencontré François-Xavier grâce au réseau FrenchFounders. J’ai tout de suite été admiratif de la richesse de son parcours à l’international…
« En Australie, la France a une autre image »
François-Xavier, que retenez-vous de votre première expatriation à Melbourne ?
J’ai eu la chance de commencer ma vie d’expatrié par l’Australie ! Qui n’en rêve pas à 22 ans.
Danone m’a tout de suite construit dans une démarche intrapreneuriale ou responsabilisation et autonomie étaient clés. Le double projet économique et social d’Antoine Riboud était très ancré dans les valeurs de l’entreprise et dans sa culture. Si loin de la France, j’ai été frappé par cela. Danone m’a permis rapidement de comprendre les codes d’une marque mondiale ainsi que le mode de fonctionnement d’un distributeur ; j’ai travaillé dès le début en proximité avec les équipes de Cadbury Schweppes qui avait la représentation exclusive de la marque evian en Australie. J’ai passé les premiers mois sur le terrain, ce qui est la base pour comprendre la dynamique de la distribution et faire ses gammes auprès des vendeurs.
Rapidement, Danone m’a fait évoluer vers un rôle de trade-marketing sur le portefeuille des eaux minérales. Les jeux olympiques de Sydney approchant, il nous fallait démultiplier notre présence et visibilité sur tous les circuits avec un focus important sur le circuit HORECA. La bouteille en verre devant trouver sa place sur toutes les grandes tables des restaurants et hôtels ! Pas toujours simple dans un contexte pays où l’eau minérale n’avait pas sa place et sur une période durant laquelle le « vendre français » n’était pas un argument en vogue. C’était juste après le cycle des essais nucléaires dans le Pacifique… Cette expérience a fortement développé ma capacité à trouver des solutions, dans un environnement anglophone.
Votre rôle a ensuite évolué vers la Nouvelle-Zélande ?
Depuis Melbourne, j’ai pris la responsabilité du marché de la Nouvelle-Zélande. J’ai commencé à construire ma première expérience de management d’un P&L avec un autre distributeur. J’ai rapidement compris qu’il était compliqué de transcrire ces acquis d’un marché vers un autre sans passer par une phase d’acculturation forte. La culture néo-zélandaise est une culture très insulaire. Elle est assez fermée. Les Néo-zélandais sont très fiers de leur île et de leur héritage. J’ai dû apprendre à construire les conditions de la confiance à distance, ce qui n’est jamais évident. A l’époque, nous ne disposions pas de tous les outils de communication actuels. Heureusement, à cette période, j’ai eu la chance de profiter d’un événement très important pour la Nouvelle-Zélande avec la course de voile « America’s Cup ». La chance a été de mon côté et nous avons pu développer nos ventes de manière significative sur cette période. Le moment était magique et festif et donc porteur de sourire partagé avec les équipes.
Au final, en Australie et Nouvelle-Zélande, j’ai surtout découvert cette petite folie, cette énergie de commencer une nouvelle vie dans un nouveau pays, et la passion de remettre les compteurs à zéro à chaque nouvelle destination.
« Au Moyen-Orient, la confiance ne suffit pas »
Vous passez ensuite aux Émirats. Comment cela se passe-t-il ?
Après une année de coupure pour étudier, j’ai rejoint le Groupe Bel et sa division Moyen-Orient. J’ai pu rapidement capitaliser sur mes acquis avec la responsabilité du marché des Émirats Arabes Unis. J’avais eu la chance de connaitre Dubaï a une autre époque. Quelle surprise d’être le témoin d’une période de croissance incroyable. De mémoire, je crois que Dubaï avait 10% des grues mondiales en fonctionnement ! L’environnement culturel était bien évidemment très différent du pacifique. Mon patron de l’époque m’a demandé de construire, de manière transversale, le programme d’animation des distributeurs de la région afin de toucher la « part de cœur » de nos interlocuteurs locaux. Nos parts de marché étaient déjà significatives mais nous avions besoin de leurs supports pour accompagner nos plans de transformation. Par exemple, nous les avons amenés à Megève. Ce type d’expérience partagée crée des moments uniques en termes de relationnel et de confiance entre les deux parties.
J’ai toujours été attentif au tempo de la relation. Je pense que pour créer la confiance, il est essentiel de respecter l’autre partie, non seulement en termes de valeurs et d’écoute, mais aussi de lire le « tempo » : il y a des moments pour écouter, des moments pour accélérer, des moments pour concéder et des moments pour brusquer. Si nous faisons un mauvais diagnostic sur le stade de la relation, alors nous prenons le risque d’adopter un comportement incompatible avec le moment. Et c’est la sortie de route assurée.
Enfin, dans une relation d’affaires, j’ai compris que la confiance ne suffisait pas. Il faut aussi être capable de construire les ingrédients d’une création de valeur partagée. Au final, la vraie recette c’est « création de valeur avec une pincée de sel de confiance pour faire monter la mayonnaise ».
« En Algérie, la fidélité est éternelle »
François-Xavier, que retenez-vous de votre présence en Algérie ?
Après le Moyen-Orient, j’ai été nommé en Algérie, un pays dont l’histoire avec la France est très forte mais parfois compliquée. En prenant la direction d’une force commerciale de six cents personnes, j’ai appris l’animation d’équipe très large : nous gérions tous les jours des problématiques de demande, industrielles ou de management.
En Algérie, la crise n’est jamais très loin et mieux vaut donc d’être préparé ! C’était une époque fantastique du « faire » et « faire grandir » afin d’accompagner la filiale dans un contexte d’hyper croissance très excitant.
J’y ai trouvé de la reconnaissance et beaucoup de loyauté. Les équipes sont très émotionnelles, dans une fidélité presque éternelle à partir du moment où nous les faisons grandir dans le respect et avec bienveillance. Pour moi, l’Algérie représente des souvenirs très humains et une deuxième expatriation, cette fois en famille.
« L’Iran vu de l’intérieur ou de l’extérieur : le grand écart »
Puis vous partez en Iran, n’est-ce pas ?
Après l’Algérie, je suis parti en Iran m’occuper d’une filiale de Bel en difficulté comportant un dossier complexe de joint-venture à déconsolider, et une nouvelle usine à construire.
Dans ce pays sous sanctions, cette usine était le poumon de l’industrie laitière. Nous étions donc dans une logique de survie : survie des emplois et de la pérennité du business. Mes équipes iraniennes m’ont impressionné chaque jour par leur engagement, leurs capacités professionnelles et leur joie de vivre face à des situations extrêmement compliquées. Je leur en suis redevable à jamais !
La perception extérieure du pays est très différente de ce que j’ai pu vivre de l’intérieur. C’est pourquoi j’ai eu un long travail d’explications vis-à-vis du siège pour donner des grilles de lecture permettant de comprendre l’Iran, la situation réelle et nos forces dans ce pays.
En Iran, j’ai ensuite pris la responsabilité de la Turquie. Mon rôle a évolué, faisant place à plus d’influence et de coaching
« En Chine : la puissance de la digitalisation »
Vous faites ensuite un court séjour en Chine…
Oui, basé à Shanghai pour la reprise de la Direction Générale de l’Asie-Pacifique. Une période enrichissante avec un mandat de restructuration du périmètre des activités et le « carve-out » de la Chine. Nous n’y sommes restés qu’une année mais j’ai été ébloui par la puissance de la digitalisation, par la rapidité des équipes à mettre en œuvre les plans et par leur pragmatisme.
J’ai y découvert la force du digital, la puissance transactionnelle des réseaux tels que WeChat et des modèles de construction de marques fantastiques et parfois très opaques à la compréhension par des occidentaux. À Shanghai, j’ai pu rencontrer des startups de cet écosystème digital dont j’étais très curieux. Nous partagions nos expériences avec d’autres entreprises comme Pernod Ricard, Nestlé…, afin de comprendre les modèles et les difficultés dans lesquelles ils opéraient. Mon séjour en Chine fut court mais très intense.
« Le Japon, une expérience du temps long »
Qu’est-ce que vous apprenez au Japon ?
À l’inverse de la Chine, au Japon, j’ai fait l’expérience du temps long. J’ai découvert un grand décalage avec l’occident en termes de dynamique de changement. D’une manière générale, j’ai trouvé une résistance au changement très forte, presque par défaut, une protection des acquis et une logique de freinage de la croissance. Au Japon, tout prend plus de temps, du moins à l’amorçage car l’exécution des équipes y est phénoménale.
Au Japon, j’ai eu plus de mal à trouver un langage commun sur les sujets de développement et de finances, la barrière linguistique ajoutant une complexité supplémentaire.
Mais ce séjour restera marqué par la crise sanitaire et par le bouleversement des pratiques. J’ai été frappé par la brutalité des changements au sein de l’entreprise qui en ont découlé, par la transformation des pratiques managériales, positives à mes yeux, vers lesquelles les employés sont désormais très attachés : plus d’autonomie et de flexibilisation du travail, moins de formalisation de manière générale et une place plus importante à la productivité, essentiellement via l’accélération de la digitalisation. Les HR vont avoir du travail dans les prochaines années pour accompagner ce capital humain !
« Le non-compromis familial est la boussole »
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer à l’international ?
À un jeune qui veut partir à l’étranger, je lui dirais de ne pas hésiter une seconde. L’expérience internationale est irremplaçable en termes d’épanouissement et de développement personnel.
S’il est en couple, je lui conseillerais de ne faire aucun compromis sur le sujet de la famille. Réussir à l’international, c’est réussir en famille. Le non-compromis familial est la boussole, l’ancrage.
Puis, pour éviter de faire de grosses erreurs au départ, je lui suggèrerais un peu de lecture pour apprendre les codes interculturels essentiels…
Enfin une fois arrivé dans le pays de destination, l’essentiel, c’est l’écoute, la bienveillance et le respect. Je l’inciterais à accepter de ne pas tout comprendre tout de suite et de laisser faire les choses. J’ai toujours laissé le temps au temps. Quand quelqu’un s’expatrie professionnellement, il n’est pas dans un séjour Club Med d’une semaine où il faut tout voir, tout faire… Le temps est important.
Regard sur un cycle d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®
Un mot sur votre expérience d’Executive Coaching avec moi ?
De ce coaching, je vais surtout retenir votre approche intégrée, votre bienveillance, votre capacité d’écoute et votre capacité à aller au cœur d’un problème. Simple et efficace. Merci Antoine !
Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko.
International Executive Coach & Adviser « Become an inspiring leader » Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ». Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, puis diplômé INSEAD, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…). Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, détenteur du plus haut niveau de certification (ICF MCC « Master Certified Coach ») et plusieurs fois nominé « Top 5 International Executive Coach », il intervient auprès de tout dirigeant qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.ANTOINE LEYGONIE-FIALKO