Parole de dirigeant à l’international
Les clés d’une réussite business en Russie & CEI
Ghislain Lorthiois, CEO, North-West Concession Company (NWCC) — groupe VINCI

« La magie de la Russie, c’est que des relations tendues peuvent s’améliorer très vite ! »
Arrivé en Russie une première fois il y a plus de 25 ans pour le groupe Vinci, Ghislain Lorthiois a travaillé ensuite en France, en Suisse et en Corée, toujours dans le monde de la construction et des concessions, avant de revenir en famille en Russie en 2016.
Quelques faits
1991 : VINCI / GTM International — Project Finance Analyst
2001 : VEOLIA CEPA — General Manager – France
2005 : CMA CGM Terminal Link – France
2009 : The Port Fund – Chairman & CEO – Genève
2011 : Samsung – General Manager – Séoul
2016 : North-West Concession Company (NWCC) – CEO Chief Executive Officer – Moscou
Dialogue ouvert puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®
J’ai rencontré Ghislain, il y a deux ans et demi, dans l’un de ces fameux “Diners des Directeurs Généraux” organisés par la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Russe, dont Ghislain nous explique l’importance pour réussir un business quand on est Français en Russie…
« Mon équipe est beaucoup plus importante qu’une équipe équivalente en Europe »
Ghislain, quelle est votre mission en Russie ?
Je m’occupe d’une concession autoroutière ouverte en 2014, la première section de 43 km de l’autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg, qui part du MKAD, le grand périphérique de Moscou, et qui va jusqu’à Solnetchnogorsk. Mon objectif est de faire venir un maximum d’usagers et d’optimiser la recette pour rembourser nos banques et payer nos actionnaires, nos salariés, les péagiers et les personnes qui entretiennent l’autoroute au quotidien.
À présent que l’autoroute est construite, avec quelle équipe gérez-vous cette concession ?
Au niveau de la concession elle-même, mon équipe est composée de 50 personnes et je suis le seul étranger. Cette équipe est beaucoup plus importante qu’une équipe équivalente en Europe. Pourquoi ? Tout d’abord, à cause du volume colossal de travail documentaire. Ensuite, à cause de notre structure à deux actionnaires à égalité, ce qui nous impose de consacrer beaucoup de temps à la communication et à la recherche de consensus. Enfin, nous avons plusieurs postes indispensables en Russie : un coursier dédié car la poste locale n’est pas très rapide, un juriste corporate pour toutes les formalités juridiques propres aux entreprises et un juriste contractuel pour l’interprétation des contrats qui font souvent 500 pages et comportent des imprécisions dans leur rédaction.

©photos : Isabelle Touyarou
« Ce sont des facteurs externes qui sont les freins principaux au business »
Ghislain, quels conseils donneriez-vous à un Français qui viendrait travailler en Russie ?
La première chose à comprendre est que LA RUSSIE A BESOIN D’AMOUR. Et l’amour est partout en Russie : dans la littérature, dans les gens, dans leur manière d’établir des relations humaines. Si on n’en a pas, ce n’est pas la peine de s’attarder. La deuxième chose c’est que les Russes sont extrêmement proches de nous, beaucoup plus que nous le sommes des Anglais ou des Américains. Nous leur ressemblons par notre culture littéraire, par notre culture historique et dans nos schémas de pensée. Je constate que toutes les personnes que je côtoie au quotidien ont des réflexes et des modes de travail strictement identiques aux nôtres. Le premier abord peut être un peu plus abrupt mais c’est un détail et cela ne doit pas nous déstabiliser. Si j’ai un conseil à donner c’est évidemment d’APPRENDRE LA LANGUE. Cet investissement va permettre de découvrir la culture, les chansons, la littérature, les modes de pensée. C’est tout un univers qui s’ouvre. Quel cadeau ! Mais il faut reconnaître que ce cadeau est la récompense un travail colossal car apprendre le Russe, que c’est dur !
Quels sont les freins au business en Russie ?
Autrefois on entendait dire qu’il fallait aller boire avec les Russes pour réussir un business. Mais aujourd’hui ce sont les facteurs externes qui sont les freins principaux au business : les sanctions, les pénalités des institutions commerciales et des banques européennes. Voici un exemple cocasse : un jour, nous avons donné à notre banque un ordre de virement en euros pour une entreprise occidentale. Le montant a été débité de notre compte, puis le paiement a été bloqué. Tout d’abord, la banque nous a annoncé qu’elle ne pouvait rien nous dire. Puis, qu’elle ne donnerait pas ce paiement à l’entreprise à laquelle nous l’avions destiné. Et finalement, la banque nous a dit qu’elle ne nous rendrait pas notre argent non plus. Un vrai cauchemar ! Dorénavant, nous sommes extrêmement prudents lors de chaque paiement.
La variabilité du cours du rouble est aussi un frein au business. N’oublions pas que sur ces dernières années, le rouble a été l’une des monnaies les plus volatiles au monde car elle dépendait fortement du cours du pétrole, des réserves de la banque centrale russe et des relations internationales.
Un proverbe russe dit « pas de tromperie, pas de profit ». Pour ma part, je ne crois pas que les Russes soient moins vertueux que les Français. Pour autant, je pense qu’il est essentiel de savoir bien s’entourer. Souvenons-nous qu’à la fin des années 90, il était possible d’acheter ses diplômes sans avoir suivi de formation. Heureusement, aujourd’hui, c’est du passé. Il y a de très bonnes écoles et de très bonnes formations en Russie. Pour ma part, j’ai choisi de m’entourer de collaborateurs jeunes, très bien formés. Je pense que c’est l’une des raisons de notre succès.
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©photos : Isabelle Touyarou
« S’ils savaient à quoi ressemble la Russie, les Français y seraient déjà »
Quels conseils donneriez-vous à un dirigeant français qui arrive en Russie ?
À un dirigeant français, nouveau venu en Russie, je conseillerais surtout de prendre prendre contact avec :
La Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Russe, exceptionnellement active, et de participer à ses dîners des « Directeurs Généraux » qui lui permettront de faire des connaissances dans une ambiance très sympathique, et avec l’association APM qui pourra l’aider à fréquenter des dirigeants francophones, en rompant l’isolement dans lequel il pourrait se trouver.
Étant le seul Français au milieu de cinquante Russes, j’ai beaucoup de mal à résoudre certains problèmes. Fréquenter des Français aux problématiques similaires est extrêmement enrichissant. La Chambre du Commerce et l’APM sont mes deux « outils essentiels » pour ne pas me retrouver noyé dans mon entreprise.
Il est vrai que la Russie est parfois isolée, peut-être à cause de la langue et de son côté un peu rude. Cela crée des tensions avec les entreprises occidentales. Comme les relations sont fragiles, elles peuvent se détériorer très vite. Mais, la magie de la Russie, c’est qu’elles peuvent aussi s’améliorer très vite !
La Russie en un mot ?
À mon sens, les Français n’ont pas idée de ce à quoi ressemble la Russie car s’ils le savaient ils y seraient déjà depuis longtemps !

©photos : Isabelle Touyarou
Regard sur une séance d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®
Ghislain, un mot sur notre séance d’Executive Coaching ?
Je considère que c’est une chance d’avoir été coaché par vous. J’ai beaucoup apprécié votre écoute et votre capacité à m’emmener sur un terrain où je ne serais pas allé naturellement. Vous m’avez permis d’avancer seul sur mon chemin, tout en me sentant accompagné de manière très professionnelle car vous avez su créer rapidement une relation de confiance. Ce coaching m’a aidé concrètement !
Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko, transcrits et co-rédigés par Valérie Chèze.
International Executive Coach & Adviser « Become an inspiring leader » Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ». Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, puis diplômé INSEAD, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…). Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, détenteur du plus haut niveau de certification (ICF MCC « Master Certified Coach ») et plusieurs fois nominé « Top 5 International Executive Coach », il intervient auprès de tout dirigeant qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.ANTOINE LEYGONIE-FIALKO