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Olivier Dussutour, CEO, Nexus Group (IN Groupe)

Voici un essai de Extra Text

Paroles de dirigeant à l’international

Les clés d’une réussite business à l’international

Olivier Dussutour, CEO, Nexus Group (IN Groupe)

Olivier Dussutour

« Être plus efficace, plus malin, tout en continuant d’innover »

Formé à l’innovation et aux sciences computationnelles, Olivier est rapidement devenu CEO à l’international à la tête de Business Units en croissance rapide…

Quelques faits

2017 : IN Groupe — Chef Innovation Officer
2021 : Nexus Group — CEO — Stockholm

 

Entretien mené par Antoine Leygonie-Fialko
Dialogue ouvert 
puis séance d’Executive Coaching
selon la méthode de CO-CREATiVE Communication®

J’ai fait connaissance avec Olivier à l’occasion d’un coaching de leadership que lui offrait son entreprise. J’ai tout de suite été frappé par son dynamisme entrepreneurial et sa capacité à trouver le ton juste avec ses équipes interculturelles…

« Garder notre agilité tout en respectant les exigences du groupe »

Olivier, quelle est votre activité en Suède ?

IN Groupe, c’est le spécialiste de l’identité, aussi bien physique (passeports, cartes d’identité) que numérique (authentification en ligne). Sa mission : garantir sécurité et confiance numérique. Nexus, la business unit que je gère en Suède, s’occupe de l’identité des professionnels. Un employé a besoin d’un badge pour entrer dans les locaux et d’un accès sécurisé aux systèmes d’information. Nexus fournit ces solutions aux entreprises et aux gouvernements, avec des clients comme Volkswagen, Siemens ou Orange. La présence est forte en Allemagne, Autriche, Suisse, dans les pays nordiques et même en Asie.

La concurrence est bien là, avec des acteurs de la cybersécurité comme Entrust et Thales, ou des ESN comme Atos et Sopra. Mais IN Groupe a un atout clé : c’est un pure player de l’identité, détenu à 100 % par l’État français via l’APE, ce qui garantit souveraineté et conformité aux régulations européennes.
Nexus, rachetée en 2020, était une société suédoise spécialisée dans l’identité des professionnels et des objets. Son intégration a permis d’élargir la présence géographique et d’avoir la main sur une partie plus large de la chaîne de valeur. Un bon exemple : Volkswagen. Nexus gère l’identité digitale de leurs véhicules pour sécuriser les mises à jour et éviter toute intrusion extérieure.

Quand j’ai pris les rênes, ma mission était double : intégrer Nexus et assurer sa croissance. Le premier défi a été de stabiliser les équipes. En deux ans, le churn est passé de 25 % à 8 % en alignant tout le monde sur le purpose de l’entreprise : « apporter de la confiance dans le monde ». Une transformation en profondeur qui nous prépare aux défis de demain.

Quels sont vos challenges pour l’avenir ?

L’un des grands défis des années à venir pour Nexus, c’est clairement de basculer vers le mobile. Les entreprises qui ne s’adaptent pas risquent de stagner ou de reculer. Aujourd’hui, tout le monde veut une expérience utilisateur fluide et accessible sur smartphone, et avec l’arrivée d’eIDAS V2 en Europe, les identités numériques vont être intégrées dans des wallets. Cela veut dire que demain, en tant que citoyen, j’aurai peut-être un wallet France Identité, et en tant que salarié, mon entreprise pourra aussi me fournir un wallet dédié avec tous mes services pro : signature électronique, gestion des dépenses, accès sécurisé… Nous sommes en train de passer d’un monde où tout était centré sur le laptop à une expérience complètement mobile : c’est une transformation majeure qu’il faut prendre en compte dès maintenant.

L’autre gros enjeu, c’est l’évolution réglementaire. Avec eIDAS V2, l’Europe impose de nouveaux standards pour encadrer les identités digitales et favoriser des solutions locales face aux Apple Wallet et Google Wallet. Il est important d’être parmi les premiers à proposer des solutions conformes et performantes, car celui qui arrive en tête a un avantage décisif.

Et puis il y a la question de la rentabilité. Nexus vient d’un modèle très startup où on brûlait du cash pour grossir vite. Maintenant, l’objectif est d’atteindre une rentabilité d’entreprise établie. Nous avons déjà optimisé un certain nombre de choses, comme la réduction du nombre de bureaux, qui est passé de 20 à 5. Mais ce n’est qu’un début : nous devons rationaliser encore plus nos coûts, automatiser nos process et améliorer notre efficacité opérationnelle.

Les obstacles ne manquent pas. Il y a d’abord la résistance au changement en interne. Quand par exemple on dit à des experts qui travaillent sur des cartes à puce depuis 20 ans que nous allons basculer sur mobile, certains sont motivés pour évoluer, d’autres non. Il est nécessaire d’accompagner cette transition et, en parallèle, d’aller chercher des nouveaux talents sur un marché tech ultra-compétitif.

Ensuite, il y a la question de la rapidité. Faire partie d’un grand groupe, c’est une force, mais ça peut aussi ralentir les décisions. Or, dans ce domaine, être le premier à proposer une solution adoptée par les utilisateurs, c’est la clé du succès. Nous devons garder notre agilité tout en respectant les exigences du groupe.

Enfin, il y a la rentabilité dans un secteur qui se structure de plus en plus comme une industrie. Pendant des années, le software avait des marges confortables, mais aujourd’hui, la concurrence est plus dure, les coûts sont scrutés à la loupe, et chaque euro compte. Nous ne pouvons plus dépenser sans compter en marketing ou en R&D. Il faut être plus efficace, plus malin, tout en continuant d’innover.

« En Suède, recevoir un mail de son patron à 23h est perçu comme stressant »

Selon vous, comment doit se comporter un Français pour réussir son intégration professionnelle en Suède ?

Quand un Français s’installe en Suède, il doit vite comprendre que la culture du travail est totalement différente. En France, être un « hard worker » est souvent bien vu : rester tard, travailler dur, sont perçus comme un signe d’implication. Mais en Suède, c’est tout l’inverse. Ici, quelqu’un qui travaille trop est souvent vu comme mal organisé. L’équilibre entre vie pro et vie perso est sacré, bien plus qu’en France.

Je l’ai vécu en arrivant chez Nexus. En tant que nouveau CEO, je voulais m’impliquer au maximum : comprendre les chiffres, les produits, m’adapter à mon nouvel environnement. J’ai donc travaillé énormément, pensant que cela allait être valorisé. En France, mes collègues trouvaient ça normal, voire admirable. Mais en Suède, on m’a rapidement fait comprendre que ce n’était pas un bon signal. Recevoir un mail de son patron à 23h est vraiment perçu comme stressant pour les équipes.

Autre choc culturel : la parentalité. En Suède, les enfants ne peuvent être gardés en pre-school avant l’âge de un an. Cela implique qu’hommes et femmes se partagent 12 mois de congé parental pour chaque enfant. À leur retour il est normal de retrouver leur poste, voire d’évoluer professionnellement. En France, une telle durée de congé parental n’est pas systématique et est souvent réservée aux femmes, et encore, plutôt pour un deuxième ou troisième enfant. En Suède il est normal que les pères partagent ce congé. L’entreprise gère leur absence sans forcément les remplacer. En France, ce serait une grosse source d’inquiétude.

En Suède, le travail passe après la vie personnelle. Les Suédois y tiennent, c’est ancré dans leur culture. En arrivant comme manager, c’est important de le comprendre et l’accepter. Essayer d’importer une mentalité “travailler plus pour montrer son engagement” peut être contre-productif.

« Un employé ne dira jamais « c’est inacceptable », mais son body language parlera pour lui »

Comment se passe une négociation avec des Suédois ?

En arrivant, j’ai découvert qu’en Suède, il est courant d’accepter le premier prix proposé par un fournisseur, sans négocier. Cela m’a choqué la première fois. Il y a une vraie aversion au conflit. J’ai donc introduit une approche plus « Europe du Sud », où tout se discute.
Côté clients, c’est la même chose : ils négocient moins. Mais attention, cela peut aussi jouer dans l’autre sens : si un prix semble trop élevé, le client peut écarter l’offre sans chercher à négocier, ce qui pousse à ajuster ses propositions dès le départ.

Pour ce qui est des salaires, c’est aussi très différent. Il y a de fortes attentes, surtout dans la tech, où les collaborateurs comparent souvent avec la Silicon Valley, sans forcément tenir compte du coût de la vie. Mais contrairement à la France, où une frustration peut être verbalement exprimée, ici, c’est plus subtil. Un employé ne dira jamais « c’est inacceptable », mais son body language parlera pour lui. Il ne réclamera pas ouvertement, mais il commencera à regarder ailleurs.

Et si l’on est manager en Suède, à quoi doit-on être attentif ?

En Suède, il faut vraiment être attentif à l’écoute et à la manière de prendre des décisions. Nous sommes dans une culture du consensus où une approche top-down ne passe pas du tout. Personne ne va hausser le ton en réunion, mais si une décision est imposée sans discussion, les collaborateurs vont se fermer, se désengager et, à terme, partir. Ici, il faut expliquer le pourquoi derrière une décision, sinon les équipes ne suivent pas. On ne peut pas juste dire « faites ça », il faut embarquer les gens.

Cela dit, il ne faut pas non plus tomber dans l’extrême inverse, où tout est discuté indéfiniment. Il arrive souvent qu’une réunion aboutisse… à une autre réunion. Il faut savoir trancher, sinon rien n’avance. Ceux qui arrivent à maintenir ce juste équilibre, en donnant de l’espace à la discussion tout en assumant une prise de décision claire, avancent plus vite que les autres.

En Suède, être manager demande une vraie intelligence émotionnelle. Il faut savoir lire entre les lignes, capter les signaux non verbaux et comprendre ce qui se joue en sous-texte. Ceux qui n’ont pas cette sensibilité auront du mal à s’imposer. Ici, le leadership ne passe pas par la force, mais par la capacité à écouter, expliquer et fédérer.

« C’est en combinant le meilleur des différentes approches qu’on peut créer quelque chose d’unique ! »

Un mot pour finir ?

Quand on travaille en Suède, il faut savoir apprécier et tirer parti des différences culturelles. Certains expatriés ont tendance à critiquer la culture suédoise du travail, en disant que les employés sont moins engagés, qu’ils évitent le conflit ou qu’ils prennent trop de temps pour prendre une décision. Mais il faut aussi reconnaître les forces du modèle suédois, notamment la créativité et l’innovation.
Ce n’est pas un hasard si des entreprises comme IKEA ou H&M sont nées ici. Le fait d’avoir un meilleur équilibre entre vie pro et vie perso permet de prendre du recul, d’être plus créatif et d’explorer de nouvelles idées. Dans d’autres cultures plus tournées vers l’efficacité immédiate, on est souvent dans l’action rapide, sans toujours prendre le temps de repenser les choses. En Suède, ce souffle frais permet parfois d’arriver avec des idées innovantes et différenciantes.

Cela ne veut pas dire que tout est parfait. Il y a des postes où un état d’esprit plus frontal ou orienté résultats est un vrai plus. Par exemple, dans des fonctions comme acheteur, où il faut négocier et être plus assertif, recruter des profils internationaux peut être une bonne idée. Mais il ne faut pas tomber dans l’excès inverse et penser que la culture locale est un frein. Au contraire, c’est en combinant le meilleur des différentes approches qu’on peut créer quelque chose d’unique.
Les entreprises qui réussissent à l’international, comme IKEA, ont su tirer parti des spécificités suédoises tout en intégrant des influences d’ailleurs. Elles ont construit un modèle où la créativité et l’innovation viennent de la culture locale, tandis que la production et l’efficacité opérationnelle s’inspirent d’autres pays. C’est ce mix intelligent qui fait la différence.

L’essentiel, quand on arrive en Suède, c’est donc d’avoir de l’humilité. Il ne s’agit pas d’opposer les cultures, mais de comprendre ce qui fonctionne le mieux dans chaque contexte et de créer un équilibre gagnant.

Regard sur une expérience d’Executive Coaching selon la méthode CO-CREATiVE Communication®

Un mot sur votre expérience d’Executive Coaching avec moi ?

Votre spécificité en coaching, c’est le fait pour moi d’avoir eu déjà des positions de C-level et à l’international. Vous l’avez déjà fait.

Vous apportez effectivement ce vécu d’un entrepreneur en corporate ou en indépendant en France et à l’étranger.

Le coaching avec vous, c’est différenciant, stimulant et un accélérateur.

Propos recueillis par Antoine Leygonie-Fialko

Antoine Leygonie-Fialko

ANTOINE LEYGONIE-FIALKO

International Executive Coach & Adviser

« Become an inspiring leader »

Antoine Leygonie-Fialko est International Executive Coach & Adviser, spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants à l'international vers « une pensée Claire et Calme, Bienveillante et Puissante ».

Polytechnicien, Ingénieur des Ponts, Architecte et Docteur en Philosophie, puis diplômé INSEAD, il est fondateur de la Co-CREATiVE Communication® et de la société CADRAN qui opère mondialement. Auparavant, il a dirigé 7 sociétés, de la start-up au corporate, en France et à l’international (Europe, Eurasie, Afrique), dans diverses industries (bâtiment, internet, RH…).

Aujourd’hui, fort de plus de 3 000 heures d’Executive Coaching sur 5 continents et 40 pays, détenteur du plus haut niveau de certification (ICF MCC « Master Certified Coach ») et plusieurs fois nominé « Top 5 International Executive Coach », il intervient auprès de tout dirigeant qui vise un leadership d'excellence et souhaite développer toute la puissance qui sommeille en lui et ses équipes.

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